dimanche 12 juin 2011

Bilderberg, le club secret des puissants du monde

Comme chaque année, les dirigeants les plus influents de la planète se réunissent à huis clos dans le cadre du club Bilderberg .

 Le vicomte belge Étienne Davignon, président du comité de direction du Bilderberg, mais aussi, entre autres fonctions, vice-président de Suez et de la Commission européenne.  Photo afp

Le vicomte belge Étienne Davignon, président du comité de direction du Bilderberg, mais aussi, entre autres fonctions, vice-président de Suez et de la Commission européenne. Photo afp

Le club Bilderberg n'a que très rarement les honneurs de la presse (1). Il existe pourtant depuis 1954 et réunit, une fois par an, une centaine de personnes parmi les plus influentes de la planète : chefs d'État, ministres, hauts fonctionnaires, commissaires européens, banquiers, dirigeants de grandes entreprises, d'institutions internationales… Ils sont en Suisse, à Saint-Moritz, jusqu'à demain.
Ce n'est bien sûr pas la seule réunion du gratin mondial de l'économie et de la politique. Ces élites ont l'occasion de se rencontrer régulièrement lors du forum de Davos, par exemple, ou, comme il y a quelques jours, au sommet du G8, à Deauville. Ils sont alors en pleine exposition médiatique.
Séjour privé Rien de tel pour le Bilderberg. Le pays accueillant prend en charge organisation et sécurité. Les participants paient de leur poche : le séjour est donc considéré comme privé et se double d'une clause de confidentialité. La liste des invités et les thèmes abordés ne sont rendus publics qu'après la réunion. Quant au contenu des débats, il ne filtre quasiment jamais. « Cela libère la parole », confie le vicomte belge Étienne Davignon, président du comité de direction du Bilderberg, à Bruno Fay, l'un des très rares journalistes à qui il a accordé une interview (2). Vice-président de Suez, ancien administrateur de GDF Suez, vice-président de la Commission européenne, président de l'Agence internationale de l'énergie, l'homme est aussi administrateur de diverses multinationales.
On ne participe pas au Bilderberg, on y est invité. Les heureux élus sont choisis par le « steering committee » ou comité de direction : trois quarts sont des personnes ayant déjà participé, un quart des nouveaux venus. Parmi les habitués : Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, Henri de Castries, président d'Axa, Henry Kissinger ou Ernest-Antoine Seillière.
Les interventions sont très calibrées : une douzaine de sessions de 1 h 30 avec deux ou trois présentateurs qui exposent en dix minutes le sujet. Puis la discussion s'engage avec cinq minutes maximum accordées à chaque intervenant.
« De manière générale, le club invite les figures émergentes, ceux qui seront appelés aux plus hautes fonctions : Jospin, Barroso en leur temps, ou Obama, plus récemment, ont ainsi été jaugés avant d'être aux manettes », explique Bruno Fay.
Contrairement à ses prédécesseurs, de Pompidou à Chirac, Nicolas Sarkozy n'a jamais été invité au Bilderberg : « Étienne Davignon a marqué une pause à ma question. Puis a juste mentionné que le président français avait un problème avec l'anglais. » L'an dernier, à Sitges, en Espagne, José Luis Rodríguez Zapatero ne figurait pas sur la liste des personnes devant s'exprimer. « Davignon rapporte qu'il a fait des pieds et des mains pour s'adresser à l'assemblée. Cela montre la puissance de ce club : Zapatero avait urgence à parler aux banquiers et aux décideurs de la situation économique de l'Espagne en crise. »
C'est bien ce qu'on reproche au Bilderberg : « Il révèle des mécanismes de pouvoir qui n'ont rien de démocratique. C'est un mélange des genres entre public et privé. Cette connivence existe ailleurs, mais elle peut apparaître comme une gouvernance occulte. »
Plus ou moins fantasmés Du pain bénit pour les conspirationnistes, qui ont rebaptisé le Bilderberg « le club des nouveaux maîtres du monde » et lui attribuent des pouvoirs plus ou moins fantasmés, à l'image de ceux des Jésuites ou des francs-maçons. Le Bilderberg serait ni plus ni moins un gouvernement mondial secret qui déciderait des guerres, de l'issue des conflits sociaux dans le monde, de l'utilisation des ressources de la planète.
Dans ces conditions, le mutisme de la presse traditionnelle à ce sujet fait les choux gras des sites conspirationnistes sur le Net. Bruno Fay estime quant à lui que la thèse du nouvel ordre mondial est erronée : « Il est malgré tout évident que ce type de rencontre participe de la gouvernance mondiale. Si la confidentialité est un "gage de sincérité des débats", pour reprendre les termes de Nicolas Beytout, le directeur du "Figaro", qui a participé à trois sessions du Bilderberg, elle alimente aussi la théorie du complot. »
(1) Le club tient son nom de l'hôtel hollandais où s'était tenue la première réunion. En pleine guerre froide, l'idée était celle d'un rapprochement informel entre l'Amérique du Nord et l'Europe.
(2) « Complocratie », Bruno Fay, Éditions du Moment.

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