jeudi 15 septembre 2011

L’art contemporain est-il une arme de l’oligarchie ?





Aux mains des hyper-riches, l’art contemporain et élitiste vise à éteindre la force créative de tout un chacun.
Sylvain Loisant - 11 septembre 2011


Il existe un enjeu considérable dans le contrôle de l’art : priver l’art et les artistes d’une énergie qui génère une subversion naturelle.
L’art est l’espace de la puissance individuelle, ce contrôle est donc une attaque directe contre la force créative de tous les humains
Contrôler mais Pourquoi ?
Parce que l’homme qui illumine sa vie grâce à la pratique d’un art accède à une certaine autonomie. Non pas de cet art de fabrication d’objets (aussi beaux soient-ils), non pas de cet art référencé « officiellement » par l’idéologie du moment, non pas de cet art publicitaire et commercial, mais de l’art qui implique une mise en mouvement de la sensibilité, de l’observation, et de la quête d’un équilibre en toute chose dans notre environnement extérieur et intérieur. La démarche artistique est avant toute chose un art de vivre qui fait naître une civilisation équilibrée et naturellement intégrée.
La pratique artistique est le moyen d’incarner cet art de vivre dans des œuvres de l’esprit, mais avec un corps : l’oeuvre. Les oeuvres que nous réalisons sont importantes comme témoin de cet art de vivre.
L’art procure à l’individu une réappropriation complète ou partielle de son corps. Il met en mouvement des facultés mentales et spirituelles individuelles. Il donne un regard particulier à ceux qui, sans lui, ne vivraient que dans des routines ou la pensée unique.
L’art permet le partage de cet art de vivre grâce à l’interface que représentent les œuvres. Celles-ci sont des portes qui ouvrent sur une relation humaine merveilleuse faite de connaissance, de contemplation, de plaisir esthétique, d’apprentissage, d’exemplarité…..
L’art peut procurer l’autonomie dans un premier temps et …….. la liberté dans un deuxième temps : c’est évidemment ce dont ne veut pas l’oligarchie.
Comment l’oligarchie contrôle-t-elle et endigue-t-elle la puissance artistique naturelle de l’humanité ?
En créant un artifice complexe : l’art contemporain.
La puissante et dangereuse attaque de l’art contemporain a pour but :
- 1-La destruction de l’art et du métier d’artiste :
Le métier d’artiste : les qualités communément reconnues à l’artiste (sensibilité sens de l’observation, spontanéité etc.) ont toujours eu besoin pour s’exprimer d’un savoir-faire. Ce savoir-faire implique un apprentissage, une pratique, une présentation directe au public.
Ce savoir-faire est articulé sur une accumulation de connaissances et de matériaux qui ont traversé les siècles. L’artiste créateur idéalisé aujourd’hui est une sorte de demi-dieu séparé du monde et des humains authentiques. Au cours des siècles « l’artiste artisan » était au contraire immergé dans la société dans laquelle il jouait un rôle d’harmonisation.
Lentement mais sûrement, au cours des siècles, l’art a progressivement quitté l’artisanat. Après un dernier baroud d’honneur à la fin du XIXe siècle avec le formidable mouvement de l’Art nouveau, les politiques, les financiers ont profité de la première guerre mondiale pour user le dernier lien qui existait entre les productions d’objets et l’art en invoquant la modernité : dorénavant, le monde ne sera plus un organisme vivant (dans lequel la beauté, l’art ; l’équilibre jouent un rôle central), il sera une machine rationalisée à l’extrême. Ce travail sera achevé par la deuxième guerre mondiale.
- 2-La destruction de l’œuvre par une valorisation arbitraire :
La financiarisation des œuvres : en amenant jusqu’à la folie la spéculation dans l’art, les riches ajoutent un paramètre très perturbant dans les consciences : la dimension sensible, le rôle relationnel de l’art est ringardisé par la disproportion de la « valeur ». Il y a les œuvres à 1000 euros et celles du monde des dieux à plusieurs millions. Jeff Kons avec un homard en plastique à 16 000 000 d’euros crée un séisme dans l’esprit d’un brave gars qui gagne le SMIC. Un peu comme lorsque celui-ci voit une personne qui lui ressemble gagner 118 millions d’euros à l’euro million. Nous sommes dans la stratégie du choc décrite par Naomie Klein. L’art perd son rôle de boussole culturelle, il perd son rôle nutritif, et la population affamée tourne en rond désemparée, désorientée. La Pub va pouvoir enfin remplacer ces vieux trucs et montrer la voie du bonheur et du monde nouveau.
- 3-La constitution de héros-artistes contemporains :
Il ne suffit pas de démolir un processus sain, il faut aussi le remplacer par quelque chose qui sert les intérêts de l’oligarchie.
Les créateurs dits contemporains définissent officiellement leurs actions comme « la négation de ce qui est, et la lutte contre ce qui est ». Ils tentent de donner l’image de la liberté, l’image de la modernité (qu’ils appellent même« avant-garde »), en fait, l’image d’une spiritualité égotique qui rappelle les dieux de l’Olympe, sans préciser qu’elle est totalement matérialiste. Mais cela marche : de peur d’être ringardisés la plupart des gens se sont détournés de l’art. Cerné par les écrans, par le divertissement sans art, par des objets sans art, par un temps sans art (privé de contemplation), l’homme sans art ne sait même plus ce qu’est une vie riche, créative. Ce processus terrible se passe dans une inconscience généralisée
C’est donc une rupture totale avec ce qui fonde nos civilisations, nos savoir-faire. Cette abstraction désincarnée, en prise directe avec la fascination symbolique de la célébrité et de l’argent engendre une destruction radicale de la conscience humaine. Tout en faisant croire que l’art existe toujours, l’oligarchie tente (et y arrive souvent) de priver progressivement l’humanité du sens du beau, de l’unité, de l’envie d’apprendre, de transmettre, et de la joie de partager. L’œuvre ce mot convient-il ? Disparaît derrière un système de représentations codifiées appelées : « création ».
Ils ont fait une image fantôme de l’art qui ne nourrit pas plus les esprits humains que la photo d’une pizza ne nourrit les corps. Il remplit les estomacs d’une fausse nourriture sans aucun élément nutritif. Pire, la vraie nourriture saine devient inaccessible, et les classes pauvres ne sauront même plus qu’elle existe. Voilà le véritable enjeu ! La population est enfin prête en profondeur à aimer la servitude volontaire par émasculation et vampirisation de son énergie vitale.
Cela représente le graal de l’oligarchie, qui croit que lorsqu’elle aura coupé les ailes créatives des hommes et empêché tout lien par la sensibilité entre eux, elle pourra garder éternellement son terrain de jeu (la terre et ses richesses) à disposition.
Le plus drôle, c’est que l’oligarchie se délecte dans cet art dont elle prive les populations.
Que pouvons-nous faire pour résister à cette attaque ?
- Inciter nos contemporains à pratiquer les arts et la culture (heureusement, il y a encore des millions de personnes qui jouent de la musique, peignent, dansent, jardinent, cuisinent…..) . Une culture sans pratique n’est qu’une poubelle d’information. Le spectacle de l’art n’a de sens que s’il complète la pratique. Car l’art n’est pas un objet de consommation
- Dénoncer l’imposture de l’histoire de l’art qui est une sorte de cadre sclérosant (toujours écrit par ceux qui tirent les ficelles). Les maîtres de l’histoire de l’art se présentent comme une autorité devant laquelle la plupart des gens se soumettent.
- Refuser la classification hiérarchique indiquée par la valeur économique.
- Agir avec notre sensibilité et notre savoir et envie de faire (quel que soit notre niveau) pour rendre notre environnement plus équilibré, plus beau.
- Partager notre passion avec les autres et surtout l’enseigner.
La révolution sera artistique. Par le regard artistique, les activités les plus techniques et apparemment rébarbatives peuvent devenir fluides et vivantes.
La pratique artistique ne coûte pas cher c’est là son principal défaut. Nul besoin d’être Paco de Lucia pour être heureux avec une guitare, Nul besoin d’être Léonard pour peindre (même mal) avec une joie immense : un désuet paysage, un portrait « un peu ressemblant ».
Et si comme maître Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, nous étions bien plus artiste que nous le croyons (ou plutôt que l’on a voulu nous faire croire) ?
Me revient en mémoire le regard attentif et joyeux d’une vieille dame qui dosait les ingrédients d’une soupe de légumes, après avoir lentement caressé ces mêmes légumes. Cela a représenté un moment théâtral, pictural, odorant, musical d’exception.
A mes visiteurs et à mes élèves, j’aime dire : Sans doute plus peintre que vous, je ne suis pas plus artiste que vous. En faisant le premier pas sur le chemin de la pratique de l’art (de vivre), vous commencez à rendre le monde meilleur et libre, quelles que soient vos oeuvres.
La perte des valeurs portées par les pratiques artistiques naturelles, représente une menace majeure pour l’humanité. Ce processus de privatisation de l’organisation de l’art et de la culture est aussi grave que la privatisation de la monnaie par la FED et la BCE. C’est pour l’oligarchie une approche de domination supplémentaire.

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