vendredi 14 octobre 2011

Ralliement de Montebourg à Hollande : derrière la rénovation, des réflexes moisis



LE PLUS. Arnaud Montebourg a annoncé vendredi matin qu'il voterait pour François Hollande quand Ségolène Royal avait annoncé son soutien au candidat mercredi. Le symbole de réflexes dignes d'un vieux parti, selon Camille Peugny, sociologue.

Camille Peugny
> Par Camille Peugny Sociologue
Edité par Melissa Bounoua   Auteur parrainé par Baptiste Legrand
Des bureaux de votes bondés, des hommes et des femmes déterminés à choisir le candidat pour lequel ils voteront au premier ou au second tour de l’élection présidentielle : beaucoup a été dit et écrit sur cette "jubilation démocratique". De ce point de vue, il ne fait guère de doute que la première primaire "ouverte" de l’histoire politique française constitue un succès.

Hélas, cette semaine d’entre-deux tours aura montré qu’au Parti socialiste, beaucoup ne sont pas à la hauteur de cette avancée démocratique. Rejouant les nuits poussiéreuses des congrès socialistes, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg ont piétiné une rénovation dont ils n’ont cessé de s’attribuer la paternité, Royal en choisissant d’appeler les électeurs à voter pour François Hollande et Montebourg en affirmant qu'il voterait pour l'ancien premier secrétaire du PS.

Arnaud Montebourg au soir du premier tour de la primaire socialiste, le 9 octobre 2011, Paris, La Bellevilloise (F.DUPUY/SIPA)
 Arnaud Montebourg au soir du premier tour de la primaire socialiste, le 9 octobre 2011, Paris, La Bellevilloise (F.DUPUY/SIPA)

Certes, donner des consignes de vote ou simplement faire part d’une inclination personnelle n’est évidemment pas condamnable en soi. En se ralliant à François Hollande dès le soir du premier tour, Manuel Valls n’a fait que prendre acte de la convergence entre le projet qu’il a défendu et le discours de l’ancien Premier secrétaire.

Des ralliements incohérents

A l’inverse, Royal et Montebourg lui apportent leur soutien au mépris de toute cohérence. En 2006, la première a émergé en se positionnant à l’extérieur de son parti et en s’efforçant d’incarner la rénovation d’une organisation vermoulue, dirigée par François Hollande depuis dix ans, gangrenée par les combats d’égo, les synthèses factices et un pouvoir des barons locaux entretenu par un cumul des mandats maladif, interdisant toute respiration et tout renouvellement.

Plus encore, en 2011, Royal a mené campagne en tentant d’incarner une ligne volontariste et interventionniste, contre la finance et les banques, contre le système et contre la pensée unique. Eliminée au soir du premier tour, elle se prononce en faveur du député de Corrèze et contre Martine Aubry, en faveur d’un discours soulignant les limites de l’intervention de l’Etat (on ne peut pas contrôler les banques, on ne peut pas contraindre les médecins à s’installer là où sont les besoins, on ne peut pas interdire les licenciements, etc.) et contre la première secrétaire qui a mis en place les primaires et décidé du non-cumul des mandats.

Le jeu d’Arnaud Montebourg est encore plus incohérent et ne trompe personne. Défendant un protectionnisme européen qui a enfin fait son entrée dans le logiciel socialiste grâce au concept de "juste échange" introduit par Martine Aubry depuis trois ans, il préfère faire la fine bouche, au motif sans doute de quelque inimitié personnelle ou des séquelles de "l’affaire Guérini", du nom d’un système certes détestable mais qui n’a probablement pas émergé le jour de l’élection de Martine Aubry au poste de Première secrétaire après douze ans d’une direction aussi irréprochable qu’Hollandaise.

La double peine du PS

En se retranchant derrière l’argument de l’ampleur à donner au score du vainqueur de la primaire, Royal et Montebourg montrent en réalité qu’ils n’ont rien compris à l’esprit d’une consultation qu’ils ont pourtant réclamée. D’un côté, la mobilisation des électeurs de gauche. De l’autre, des vieux réflexes qui cachent mal une angoisse, celle de la double peine : ne pas être dans le camp du vainqueur, après avoir été éliminé au premier tour. Peut-être ce curieux conglomérat de ralliements permettra à François Hollande de l’emporter au soir du 16 octobre.

Mais alors, cette primaire socialiste ne sera qu’un succès sur la forme, et un échec sur le fond, puisqu’en raison de combines d’un autre temps, la décision risque de ne pas se prendre sur le fond d’un clivage qui empoisonne la vie du Parti socialiste et de la gauche depuis des décennies. Cette primaire aurait du en effet être l’occasion de donner au peuple de gauche la possibilité de trancher le conflit entre une approche comptable et gestionnaire de la pratique gouvernementale et une approche n’ayant pas renoncé à "changer la vie".

Non pas que les premiers soient plus beaux ou moins estimables que les seconds : si François Hollande l’avait emporté sur une ligne claire et assumée, sa victoire aurait été une belle et nette victoire. Mais s’il l’emporte ce 16 octobre, à la tête d'un attelage brinquebalant tiré à gauche par Arnaud Montebourg et à droite par Manuel Valls, la fracture au sein de la gauche s’ouvrira à nouveau dès les premiers mois d’un éventuel exercice du pouvoir.

Aucun commentaire: