mardi 13 décembre 2011

De Villepin candidat : pourquoi tous les candidats parlent de vérité ?

LE PLUS. En annonçant sa candidature à la présidentielle, Dominique de Villepin a parlé d'un "rendez-vous de la vérité". Ce mot, remarque Philippe Sage, sympathisant d'extrême gauche, est dans la bouche de nombreux candidats. Mais de quelle vérité parlent-ils tous?

Philippe Sage
> Par Philippe Sage Gauchiste
Edité et parrainé par Melissa Bounoua
Et un candidat de plus. Mais surtout, et avant tout, un candidat convaincu que "2012 sera le rendez-vous de la vérité". Ça commence à faire beaucoup, non ? C’est qu'ils sont déjà quatre à occuper ce créneau, celui de : "Vérité". Dominique de Villepin, donc, et avec lui, François Hollande, François Bayrou et Nicolas Sarkozy. Quatre hommes, quatre vérités ? Quel est le bon, quelle est la bonne ? Oh bien sûr chacun se démarque copieusement des autres. Chacun sa vérité.

Dominique de Villepin lors du lancement de son mouvement République Solidaire le 19 juin 2010 à Paris (Richard Trois/LE PLUS)
 Dominique de Villepin lors du lancement de son mouvement République Solidaire le 19 juin 2010 à Paris (Richard Trois/LE PLUS)

Ainsi Villepin "ne croit pas que la vérité [fût] à droite, à gauche ou au centre". Car, comprenez-vous, il est gaulliste. Ce qui signifie qu’il se situe ailleurs. Au-dessus d’un parti, il n’en est donc pas le prisonnier. Pas même d’un mouvement (République Solidaire). C’est un homme libre...

La vérité de François Bayrou

Comme Bayrou. Qui estime que la "vie ne se résume pas à droite/gauche". Bref, que la vérité est centrale. Et n’allez pas, comme Pujadas, mettre en doute la parole du Béarnais, sinon, il convoque ses amis, son intimité même. Ainsi, jeudi dernier, le 8 décembre, sur France 2, où devant des millions de téléspectateurs, il prit à témoin sa famille : "J’ai plein d’enfants ; six ! Ils pensent tous que, quand je parle, je dis LA vérité". A témoin ou en otages, c’est selon.

Mais jusqu’où iront-ils pour nous convaincre qu’ils portent, ou sont, la vérité ? Et puis quelle vérité ? Car, tout de même, Bayrou (60 ans), Villepin (58 ans) ne sont pas les perdreaux de l’année. Ça fait un bail, qu’ils servent "La France et l’Etat" (dixit Villepin), via Balladur, Chirac, Juppé, Raffarin, etc. Trente bonnes années au bas mot. Comme Hollande (57 ans) qui le concède : "Je suis tout sauf un homme nouveau" dit-il dans "Libération" le 4 octobre dernier. Mais lui, itou, qu’on se le dise, va mener une campagne de "vérité".

Que voulez-vous, la vérité, ce doit être comme "Le Mal De Vivrede Barbara, "ça ne prévient pas, ça arrive". Ça vous tombe dessus, net, et vous ne pouvez rien faire. C’est comme la foi. Une illumination soudaine. Et pardonnez-leur de s’être, des années entières, trois décennies, trompés, et dans les grandes largeurs. Comme Sarkozy (57 ans). Ah Nicolas, pas besoin de dérouler son CV, on le connaît que trop. C’est même lui qui nous l’a appris, lors de sa campagne victorieuse, celle de 2007, que pendant trente ans, on nous avait mentis.

Trente ans d’immobilisme. De fatalité. De Rois fainéants. Mais qu’avec lui, promis, c’était fini. Ah, il allait tout liquider, jusqu’à l’esprit de 68 ! Avec en bonus, le toutim : la moralisation du capitalisme ! Ah, on allait voir ce qu’on allait voir, la rupture qu’il nommait ça.

La vérité de François Hollande

Et, le plus important, une République irréprochable. Qu’Hollande nous annonce demain "exemplaire" [1]. Et vous pouvez lui faire confiance, au député de Corrèze, il est le co-auteur, en mai 2006, d’un livre sobrement intitulé : "Devoirs de Vérité". La vérité, toujours, encore. Est-ce elle qui le pousse à dire que "pendant cinq ans [il fût] associé à toutes les décisions de Lionel Jospin" ? Ou pour combler son absence d’expérience gouvernementale que ses adversaires, régulièrement, lui renvoie ? Ceci étant, était-ce judicieux de le préciser quand on sait le sort funeste dudit Jospin, un certain 21 avril 2002 ? Etait-il bien prudent, en un tel contexte, fût-il de vérité à tout crin, de vouloir mordicus s’associer à un battu, et à plates coutures, s’il vous plaît, quelqu’un à qui le peuple français a dit très clairement : "non" ?

Ah, c’est à croire, que la vérité vous fait, parfois, faire de grosses bêtises. Comme tiens, d’avouer que son programme pour la France n’est pas socialiste. Oui, il y a des vérités qu’il conviendrait de taire. Ironie et cynisme mis à part, mais colère venant, de qui, de quoi, ces nouveaux apôtres de la vérité se moquent-ils ? Alors il n’y aurait que quand tout va mal, que tout part à vau l’eau, que ce devoir de vérité s’imposerait à eux, eux qui pendant trente ans, de Maastricht au Traité pour une Constitution Européenne, de dettes en déficits, ont tout voté, tout validé. Au scalpel. Au bistouri.

Et aujourd’hui, mines contrites, ils viennent nous annoncer, dans leur blouse blanche, blanche comme vierge de tout passé, que, voilà, nous sommes gravement malades, qu’il faut amputer, ou nous mettre sous perfusion, cinq, peut-être même dix ans de chimiothérapie. Sinon, couic ! C’est ça, leur vérité. Elle est difficile, elle est médicale. Ces anciennes cigales veulent faire de nous de futures fourmis. Comme si nous ne l’étions pas déjà ! Ah, mais on la voit que trop bien la stratégie !

S’ils sont la vérité, s’ils sont la crédibilité, s’ils sont la compétence, alors qui sont les autres candidats, sinon des menteurs, des archaïques, des farfelus ? L’axe du Bien (pour le pays) contre l’axe du Mal, en quelque sorte. La vérité, leurs vérités, comme rempart contre ce qu’ils nomment : populisme. De droite comme de gauche. Mais promis, juré, craché, cette fois, croix de bois, croix de fer, s’ils (nous) mentent, ils iront en enfer (après nous, il va de soi). La Vérité, toute la Vérité, rien que la Vérité, ils nous la jurent, et nous conjurent, cette fois, de les croire !

La vérité d'Eva Joly

Mais c’est une présidentielle, à laquelle nous sommes conviés, ou un tribunal ? Parce que, si c’est un tribunal, ma foi, autant s’en remettre derechef à la spécialiste, Madame Joly. Et c’est au nucléaire qu’on va les estourbir. Au MOX ! Le passé vous disqualifie. Tant nous n’avons pas oublié les vérités d’hier, celles que portiez, grandiloquents, tribuns. Oh bien sûr, une vie, c’est fait de rebondissements, de retournements (de vestes, surtout) de reniements aussi. Et puis, la rédemption, c’est  chouette, n’est-ce pas, ça vous plairait bien ? On efface tout, et… on recommence.

Seulement voilà, nous les jurés, les fourmis, les patients, les malades, on en a plein le dos. De vos vérités à géométrie variable. On en a soupées. Et que trop. Alors tant pis. Tant pis pour vous. C’est trop tard.

Et une seule chose est sûre et certaine : dans quatre mois, elle sonnera, l’heure de vérité. Puisse que ce soit sans vous. Vous qui me faites irrémédiablement penser à ces quelques mots de Ferré : "Il paraît que la vérité est aux toilettes, et qu’elle n’a pas tiré la chasse ? La Vérité, c’est dégueulasse !" [Night and Day].

[1] "Quand les hommes ne peuvent plus changer les choses, ils changent les mots", Jean Jaurès

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