samedi 17 décembre 2011

Ils ont vendu la France, mais nous ordonnent d’acheter français !


Comme à chaque élection présidentielle, le “débat” vire très rapidement au grand n’importe quoi. La moindre petite phrase, le moindre fait-divers, peut être repris à l’infini et devenir “un thème de campagne majeur”.
La plus classique cette dernière décennie a été la notion “d’insécurité” qui, bien exploitée par la droite, lui a permis de s’installer au pouvoir depuis 10 ans. Avec ses corollaires comme “l’immigration”, la “chasse aux clandestins”, ce brouet saumâtre dans lequel se vautrent avec délectation les pitres UMP qui n’aiment rien tant que se donner des airs de FHaine.

Il suffirait qu’une petite vieille se fasse attaquer à coups de batte de base-ball pour qu’un nouveau “débat” démarre, sur l’opportunité de soumettre la batte de base-ball à un permis de port d’armes…
Cette fois-ci, c’est Bayrou qui a dégainé, sur le thème : “il faut acheter Français”. Lui-même, d’ailleurs, possède une Peugeot 3008 et une Twingo “fabriquées en France”. Elle doit pas être jeune, la Twingo, car ça fait belle lurette que ce pot de yaourt est fabriqué… en Slovénie !
“Acheter français”, c’est un peu comme “la lutte contre l’insécurité” : personne ne peut être contre a priori. Sauf qu’il ne suffit pas de lancer le chœur des incantations pour arriver à un résultat.
En matière d’insécurité, on l’a vu, le résultat : par devant il y a les coups de mentons martiaux, les déclarations guerrières, les rafles de gamins dans les écoles, la succession d’émissions à la gloire des flics à la télé. Mais la réalité, c’est l’explosion de la pauvreté, due à une politique faite pour les riches, l’abandon du service public de l’éducation, et une immigration massive venue du sud en raison de la misère entretenue par le FMI, des politiques agricoles occidentales, du pillage des ressources et de la diminution des aides au profit du “renflouement du secteur financier”. Sans oublier les sécheresses dues au réchauffement climatique (lui même dû à notre mode de vie basé sur la “croissance” et la con-sommation, qui vont pousser à l’avenir des hordes de gueux vers nos contrées. Ajoutons-y la baisse du nombre de flics (pour des raisons budgétaires), et on comprend pourquoi malgré le tripatouillage éhonté des statistiques, la droite subit sur ce terrain l’un de ses plus cuisants échecs.
Donc, “acheter français”, tout le monde est d’accord. D’ailleurs, aussi bien Flanby que Sarkozy ont emboîté le pas à Bayrou et ont surenchéri sur le sujet.
Dans les faits, c’est plus compliqué. De même que tout le monde prétend regarder Arte et écouter France Culture, ce sont TF1 et RTL qui sont en tête des audiences. Et personne n’ira acheter un produit, même peinturluré en bleu-blanc-rouge, s’il trouve le même “Made in China” trois fois moins cher à côté.

Mais Comment en sommes-nous arrivés là ?
Il est un peu facile d’accuser “les Français”, ces salopiots qui préfèrent les produits étrangers, et dont le comportement irresponsable serait la principale cause de la situation.
C’est pourtant un cas d’école de tartufferie politicarde. Ces trois guignols (pardon au vrai, qui est sympathique et amuse les enfants) représentent les courants qui se sont partagé le pouvoir depuis 30 ans. Ils ont, de trahisons en renoncements, mis en place tous les dispositifs scélérats qui ont conduit l’industrie française là ou elle est, c’est à dire ailleurs.
En effet depuis 30 ans, c’est un exode industriel massif qui s’est produit en France, comme dans la plupart des pays occidentaux, d’ailleurs. Le textile, le jouet, l’électronique, l’automobile et même l’agriculture ont peu à peu déserté le pays pour émigrer en Chine, en Asie du Sud-Est, au Maghreb et désormais en Europe de l’Est.
Même si le con-sommateur voulait écouter Bayrou, il serait dans bien des cas en peine de le faire, puisque dans plein de domaines, il est quasiment impossible de trouver des produits français. Et quand c’est le cas, il est facile à reconnaître, car comme disait déjà Coluche il y a 30 ans, “c’est le plus cher”.
Il n’est pas difficile de comprendre qu’un salarié occidental, avec un salaire décent, un temps de travail humain, un code du travail efficace, une protection contre la maladie et le chômage, des allocations familiales et une retraite, coûte considérablement plus cher qu’un néo-esclave asiatique.
J’avais narré l’histoire édifiante de cette fabrique de déguisements dont le PDG français coûte à lui seul deux fois plus cher que la totalité de ses 600 ouvrières malgaches.

La seule protection efficace contre l’anéantissement de notre industrie par ces voyous esclavagistes eût été le protectionnisme, sous une forme ou sous une autre. Faire payer une taxe douanière permettant de compenser les déficiences sociales de certains pays aurait permis d’éviter la boucherie.
Au lieu de ça, tous nos gouvernements se sont pliés à la doctrine libérale : faire sauter toutes les barrières pour les marchandises et le pognon. (Pas pour les humains, bien entendu, on ne va tout de même pas mélanger des financiers replets avec les crève-la-dalle qui fabriquent leurs iPhone). Et faire mine de rétablir l’équilibre en “gagnant en compétitivité”, en “baissant les charges”, en “dégraissant les mammouths étatiques”. Pitoyables pitreries. Et dire qu’il se trouve encore des gens, beaucoup de gens, pour continuer d’affirmer que c’est la seule solution, que There Is No Alternative.

Pire, ils ont voté des lois, signé des textes d’une saloperie inouïe ! Dans le cadre de la célèbre “concurrence libre et non faussée”, même l’État est désormais sommé de participer à la démolition de ce qui reste d’industrie !
Voici ce que disait “Le Parisien” cette semaine :
Cette semaine, on apprenait que la production de la carte Vitale, fabriquée à Mareuil, en Dordogne, sera délocalisée en Inde. De même, la Poste, entreprise publique, a délaissé Peugeot pour attribuer au Taïwanais Kymco le contrat de fabrication des scooters (…) l’État lui-même n’est pas exempt de reproches. L’armée ne fait-elle pas fabriquer ses uniformes dans des pays comme le Maroc, la Chine ou le Sri Lanka ?
Que la Sécurité Sociale, institution étatique par excellence, aille faire fabriquer ses “cartes vitale” en Inde est proprement ahurissant ! Y’a pas de mots, sinon suicide collectif, sabordage, crime social ! Qu’est-ce qui peut justifier ça ? Quels sont les salopards qui ont signé ?
Regardez cette ode à la société SELP, celle qui fabriquait les “cartes vitale” en Dordogne. C’est sur le site de Claude Berit-Debat, “sénateur socialiste”, tout content de se faire tirer le portrait parmi les prolos, exercice grotesque si à la mode chez nos politicards. Ah, qu’il est beau avec sa petite blouse blanche… Le maroquinier qui vient visiter la mare aux crocos. Que répond-il si on lui demande pourquoi les “socialistes” ont signé tous les traités scélérats qui ont permis cette ignominie ?
Acheter des scooters coréens, “ça coutait 30% moins cher”, dit le PDG de la poste. Pauvre pomme ! Alors que dans le même temps, Peugeot ferme son usine de scooters en Alsace ! Deux cents chômeurs, combien cela va-il coûter à la collectivité ? Il y a vraiment de quoi enrager.
Maintenant, regardez la photo du haut.
C’est le gouvernement Balladur, qui a sévi entre 1993 et 1995. Probablement l’un des pires de la Ve République, et pourtant il y a de la concurrence en ce domaine. Regardez-les : ils ont presque 20 ans de moins que maintenant, mais on les reconnaît bien : tout d’abord sa Courtoise Suffisance Balladur, dont l’affaire Karachi se rapproche, et qui invoquera sûrement son grand âge pour tenter d’échapper à la paille humide du cachot. Outre ces turpitudes, ce fut un ultralibéral revanchard, celui des reprivatisations au profit de ses copains, et l’auteur du premier coup de pioche dans le système de retraites.
Ensuite, Sarkozy et Fillon, notre doublette infernale, celle qui karchérise la France depuis 2007, après 15 ans d’entraînement. Et Juppé, le “meilleur d’entre eux” (c’est dire le niveau des autres), le fusible qui a protégé Chirac pendant 10 ans.
Et puis là, tout à droite, tout près de ses amis les ultralibéraux de l’UDF, les Longuet, Léotard (pour l’instant protégé par le lampiste Donnedieu de Vabres, mais son tour de goûter au cachot devrait bientôt venir), Madelin… Pas loin aussi de Pasqua, ce sinistre hère qui a trempé dans toutes les barbouzeries de l’époque, et sa successeuse MAM, la prof de maintien de l’ordre de Ben Ali… Ou de ces sommités de la compétence et du bon goût que furent Douste-Blazy, Perben, Raoult et Toubon… Juste devant la caricature de notable à vie Rossinot… Oui oui, c’est bien Bayrou, notre révolutionnaire en peau de lapin… À l’époque, il n’avait pas honte d’être de droite, il en était même fier !
Souvenez-vous, en 1994 : Balladur, dont on mettra du temps à recenser tout le mal qu’il a fait à la France, signait l’accord de Marrakech (à ne pas confondre avec le pacte entre DSK et Aubry !), qui livrait le commerce mondial aux mains sales des affairistes et des esclavagistes. Le GATT devenait l’OMC (notez au passage le cirage de pompes éhonté du “journaliste”) dans l’indifférence des électeurs qui ne comprenaient rien aux enjeux, et pensaient qu’il ne s’agissait que de “défendre nos agriculteurs”…
Bayrou vous répondrait sûrement qu’à l’époque il s’occupait d’éducation nationale, et pas de commerce international. Je n’ai pourtant pas souvenance de l’avoir entendu émettre la moindre protestation, même discrète, sur le sujet.
On ne sait que trop que c’est le “socialiste” DSK qui a dirigé le FMI, l’étrangleur des peuples. Ce qui est quand on y pense assez croquignol. Mais ce qu’on sait moins, c’est que c’est un autre “socialiste”, certes plus discret sur ses pratiques sexuelles, qui dirige depuis 2005 l’OMC, cet instrument mondial d’exploitation des travailleurs, qui organise l’asservissement de la majorité pour la prospérité d’une oligarchie d’actionnaires, de dirigeants et de banksters : l’OMC, Organisation Mondiale de Commerce.
Pascal Lamy, “socialiste”, donc (il convient de le rappeler car le moins que l’on puisse dire est que ça ne coule pas de source (privatisée)) est un ultralibéral irréductible, qui a sorti pas plus tard qu’aujourd’hui cette énormité : “Le coût d’un recours intensif au protectionnisme serait de l’ordre de 800 milliards de dollars”. Lamy, comme tous ses semblables, est évidemment allergique à certains mots (comme “secteur public”, “fonctionnaire”, “dépenses sociales”, “régulation” et bien évidemment “protectionnisme”…)
Faisons-lui remarquer qu’à 800 milliards, c’est pas cher le protectionnisme… Surtout si ça permet d’éviter une “crise des subprimes” qui a coûté plusieurs dizaines de milliers de milliards (ça fait 13 zéros après le premier chiffre…), ou une “crise de la dette” qui prend le même chemin…
En 1992, la classe politique française argumentait majoritairement (P”S” en tête) pour le traité de Maastricht. Bayrou en était évidemment. Ce traité portait en lui tous les germes qui ont conduit à la chienlit actuelle. En 1992, on pouvait encore avoir l’excuse de la naïveté, l’exaltation de l’Europe-l’Europe-l’Europe… Mais en 2005 cette excuse ne tenait plus. Non seulement les dégâts de l’Europe libérale apparaissaient clairement à toute personne douée de vue et de réflexion, mais de nombreux décrypteurs ont facilité la tâche aux autres.
On sait ce qu’il est advenu : le hold-up de Sarkozy, un attentat contre la démocratie. Que ni Hollande ni Bayrou n’ont dénoncé. Bien au contraire, alors qu’ils avaient la possibilité d’empêcher Sarkozy de commettre son forfait, ils en ont en fait été complices.
Alors oui, la plupart des bagnoles françaises sont fabriquées à l’étranger. Dans quelques années, il n’y en aura même plus aucune de fabriquée en France. On trouve des légumes chinois dans nos assiettes. Plus possible de trouver un téléphone portable fabriqué en France (l’usine Sony Ericsson en Alsace a fermé depuis plusieurs années). Ni aucun autre appareil électronique. Les jouets que l’horrible Père Noël va dégueuler dans les cheminées viennent tous d’Asie. L’État commande son matériel à Pétaouchnok, accélérant désindustrialisation et chômage.
Mieux (ou plutôt pire), en vertu de la scaro-sainte “concurrence libre et non faussée”, chère aux ouiouistes, les anciens Services Publics sont désormais vendus à l’encan, et peuvent être assurés par des sociétés étrangères.
Et n’oublions pas la directive assassine de l’odieux Frits Bolkestein : après avoir délocalisé la fabrication d’objets physiques, il fallait trouver une solution pour les “services”, plus difficilement délocalisables puisqu’ils s’exécutent localement… C’était compter sans l’imagination sans fin des casseurs : il suffisait en gros de permettre à tout citoyen européen d’aller travailler n’importe où en Europe, mais aux conditions de son pays d’origine. Ce à quoi notre triplette infernale ne voyait évidemment rien à objecter.
Repoussée dans un premier temps à la suite du scandale lorsqu’elle a été débusquée par les “gauchistes” (ceux d’ATTAC notamment), la directive est revenue par la fenêtre sous le nom de “directive services” et les effets de son poison se font davantage sentir chaque jour.
C’est ainsi que la plupart des camions que nous croisons sont immatriculés en Europe de l’Est, qu’un tiers des ouvriers du chantier phare de l’EPR de Flamanville sont étrangers (et notamment Polonais), et que les multinationales de l’informatique, après avoir massivement “outsourcé” en Inde, embauchent désormais à tour de bras des salariés roumains. Quant aux bâtiments publics français, leur construction peut être sous-traitée à des sociétés luxembourgeoises qui embauchent des Lettons… Tout cela contribue naturellement à la prospérité de l’industrie française, à la hausse des salaires et à la baisse du chômage…
Merci qui ? 
Bayrou, Sarkozy et Flanby sont trois tartuffes de la pire espèce. Les mecs qui ont mis le feu à la pinède, en s’assurant bien d’allumer plusieurs foyers distincts, un jour de fort mistral, et en barrant tout accès à d’éventuels secours. Ils ont attendu bien longtemps, histoire d’être sûrs qu’il ne reste que des braises fumantes.
Et là, d’un coup, ils se mettent à revêtir fièrement l’uniforme des pompiers, à crier au feu en jouant les importants, faisant la morale à ceux qui n’ont rien fait pour éteindre l’incendie. C’est à pleurer. De rire, si on est optimiste.
Et personne pour relever ces faits gravissimes. On préfère évoquer la polémique de l’écume du “Petit Journal”, tout content de montrer Bayrou montant dans une voiture allemande. Sacrilège ! C’est bien, ça fait monter les recettes publicitaires de Canal +, faute de mieux…

Bien évidemment, il ne sortira strictement rien de ce débat surréaliste. Simple amuse-gueule de campagne électorale phagocytée par la “crise financière”. Celui qui sera élu ne reviendra jamais sur la moindre mesure ououiste libérale responsable de cette situation.
Quand je pense que Chirac a pu attendre de sucrer les fraises pour se voir condamner (avec sursis, évidemment) pour des faits certes graves, mais de portée anecdotique, je désespère que les coupables et les complices de la désintégration du pays se retrouvent un jour à la juste place que méritent leur traîtrise et leur forfaiture, aggravées de mensonges et de tartufferie : le cachot humide.

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