samedi 14 janvier 2012

ILS NE NOUS MÉRITENT PAS ! par François Leclerc

14 janvier 2012 par François Leclerc 
Que retenir de l’avalanche de commentaires, dont beaucoup frisent la désinvolture à force d’afficher la sérénité, que continuent de susciter les dégradations en rafale de la notation de la dette des pays européens par Standard & Poor’s ?
Ils sont pour la grande majorité consternants, en ce sens qu’ils n’en tirent aucune conséquence ! Comme si leurs auteurs ne s’étaient pas préparés à ce qui était pourtant annoncé, ne voulant pas l’envisager pour s’être réfugiés depuis si longtemps dans le déni. Ne faisant qu’exprimer ce que l’on savait déjà : les dirigeants européens n’ont pas de stratégie alternative et n’envisagent que de poursuivre sur la voie qu’ils ont empruntée, en la modulant au gré des circonstances et des opportunités. Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, l’a exprimé crânement à la veille d’une tournée européenne qui va succéder à celle de Mario Monti : “Le gouvernement que je préside sait parfaitement quoi faire pour améliorer la réputation de l’Espagne, pour assurer la croissance et créer de l’emploi”.
Les responsables ne veulent pas écouter les marchés, qui viennent de faire savoir par agence de notation interposée que leur politique ne mène nulle part ; jugée sur pièce, elle n’est pas crédible au vu de ses résultats. Ils continuent de louvoyer, craignant les conséquences d’une application trop brutale du programme des réformes structurelles qu’il leur est demandé d’accélérer.
Mais plutôt que de commenter les commentaires, il est plus instructif de prendre connaissance des attendus des décisions de Standard & Poor’s. L’agence considère insuffisant le pacte budgétaire en phase de finalisation et d’adoption, auquel Angela Merkel se raccroche, car “il ne constitue pas une avancée d’envergure pour pouvoir pleinement répondre aux problèmes financiers de la zone euro”, étant donné que ceux-ci “résultent tout autant des déséquilibres macroéconomiques que des écarts de compétitivité”. En d’autres termes, la rigueur n’est pas la solution si la croissance n’est pas au rendez-vous.
L’impasse dans laquelle se trouve la négociation de la restructuration de la dette grecque est le parfait symbole de la situation. Les mégabanques ont suspendu spectaculairement celle-ci et s’interrogent sur “les bénéfices d’une approche volontaire”, ce qui décodé signifie qu’elles ne veulent pas accepter de décote supplémentaire de la dette, tandis que les hedge funds jouent les minorités de blocage en spéculant sur le défaut de la Grèce en mars prochain. Comme si les acteurs du monde financier venaient de décider que cela en était assez, et que les dirigeants politiques devaient prendre leurs responsabilités en faisant leur affaire des nouveaux sacrifices qui leur étaient demandés. Hier ce n’était pas leur jour, décidément !
Les alarmes retentissent mais semblent ne rien déclencher ! Angela Merkel l’exprime splendidement, en tirant comme leçon qu’il reste encore “un long chemin avant que la confiance des investisseurs soit rétablie”, comme si elle avait tout le temps devant elle. “Je ne crois pas que les dégradations ont de quelque manière que ce soit comme conséquence que l’Allemagne doive faire plus par rapport aux autres », a-t-elle ajouté, mettant à profit ses meilleures capacités d’analyse.
Quant aux conséquences pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF) de la dégradation de la France (“AA+ n’est pas vraiment une mauvaise notation”, a-t-elle dit), elle les a laconiquement commentées en prétendant n’avoir jamais pensé que la notation AAA était indispensable pour le FESF. Ce qui a dû faire bien plaisir à Jean-Claude Juncker, chef de file de l’Eurogroupe, qui déclarait dans l’urgence hier soir que “les pays qui apportent leur garantie au FESF affirment leur détermination à explorer les options pour maintenir son triple A”…
A ce propos, Standard & Poor’s qui avait également placé le FESF “sous surveillance”, vient de faire savoir qu’elle allait “prochainement” rendre son verdict. En attendant, Moritz Kraemer, chargé de la notation des États Européens de l’agence de notation, a apporté son grain de sel en déclarant que “l’environnement politique dans la zone euro n’a pas été à la hauteur des défis croissants engendrés par la crise”.
L’édifice européen sort extrêmement fragilisé de ce nouvel épisode. Mais ce qui est en cause n’est pas seulement l’euro, ou même l’avenir d’une région destinée à connaître une longue récession : l’Europe s’est révélée simplement le maillon le plus faible du système financier, permettant d’occulter momentanément la poursuite d’une implosion réduite à une crise de la dette publique.
Au jeu de la patate chaude, les marchés viennent de marquer un nouveau point, réduisant la marge de manœuvre des États sans se rendre compte qu’ils se tirent par la même occasion une balle dans le pied, car ce qui leur est demandé n’est pas à leur portée. La machine infernale s’alimente d’elle-même

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