samedi 14 janvier 2012

La dette publique et son remboursement : mythes et réalité

Dette publique ou dette de l’Etat : ensemble des engagements financiers contractés par l’Etat lors d’émissions d’emprunts. On distingue la dette publique flottante qui correspond aux emprunts à court terme (les bons du Trésor) qui fluctue en permanence et la dette publique consolidée qui correspond aux emprunts à long terme. (Définition Larousse)
Une bonne idée pour enfumer : l’analogie entre une dette privée et la dette publique.
L’idée que l’on veut faire entrer dans les têtes c’est que l’Etat vivrait au-dessus de ses moyens, que la dette résulterait d’une augmentation excessive des dépenses publiques injustifiées, que l’on ne peut pas dépenser plus qu’on ne gagne… L’analogie entre un père de famille et l’Etat ne tient pas debout. Un père de famille ou une entreprise sont des « personnes » physique ou morales qui composent la société. C’est confondre le particulier et le collectif : Un état fixe lui-même le montant de ses recettes. Si l’Etat emprunte, c’est par choix. Il y a choix d’avoir des dépenses supérieures aux recettes, dans le souci de répondre au mieux aux besoins de la nation ; Il y a choix de financer le déficit en ayant recours à l’emprunt, au lieu de la fiscalité. Un Etat n’a pas vocation à « faire du profit » comme une entreprise. Il a vocation de « régulation ». De veiller à l’intérêt commun en édictant des règles du jeu qui garantissent et maintiennent le lien social. Maintenir ce lien est essentiel à la paix et à la prospérité du pays, c’est là son « profit » et accepter le déficit pour le maintenir peut en être le prix. La dette publique n’a donc pas le même sens qu’une dette pour un particulier. (Père de famille ou entreprise) De plus un pays est « immortel », ce qui n’est pas le cas de ses habitants et de ses entreprises.
On nous informe sur la dette publique vertigineuse, mais rien n’est dit sur ce que l’Etat possède. Or, quand on contracte une dette, c’est pour avoir quelque chose en contrepartie. De plus, la technique comptable utilisée pour les comptes de l’Etat n’a rien à voir avec une comptabilité simple, avec une colonne des recettes et une colonne des dépenses. Si les choses étaient présentées correctement il apparaîtrait que le solde entre les actifs et les dettes des administrations publiques est positif. Cette dette, si décriée attire les convoitises des Français eux-mêmes qui en détiennent 40% (les assureurs, les établissements de crédit), et celle des étrangers qui détiennent les 60% restants, trop heureux de la garantie que représente la signature de l’Etat français.
Alors chercherait-on à détourner notre regard du processus qui consiste à transférer les ressources de la masse des contribuables vers la minorité possédante ? Car ce qui est immodéré dans la dette, c’est moins son montant (lequel a permis la création de richesses) que la part des intérêts. (Le service de la dette) En réalité le transfert ne se fait pas d’une génération aux suivantes, mais entre couche sociales : ce sont les contribuables d’aujourd’hui qui paient les rentes versées aujourd’hui à ceux qui en bénéficient ; ce sont les contribuables de demain qui verseront ce qui sera dû, demain, aux héritiers des détenteurs de la dette.
Cherche-t-on à nous faire oublier que la dette est le résultat d’une volonté politique délibérée, décidée et réaffirmée depuis plusieurs décennies ? L’Etat disposait au début des années 1970 de deux options pour éviter de s’engager dans l’impasse où nous nous trouvons :
-Décider de se limiter aux recettes fiscales pour mener à bien les missions de l’Etat. Pour des raisons électoralistes tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont fait des cadeaux fiscaux, de sorte que la dette actuelle, contrairement à ce qui nous est régulièrement dit, n’est pas le résultat d’une augmentation de la part des dépenses dans le PIB, mais de la diminution des recettes.
-Se financer auprès de la Banque de France grâce à des avances faites au Trésor Public sans intérêt et sans échéance. Mais la réforme des statuts de la Banque de France en 1973, par son article 25, interdit dorénavant cette possibilité. Délibérément, l’Etat a transféré sur le système bancaire privé son droit régalien de création monétaire. Sans que cela ait donné lieu au moindre débat public. Aujourd’hui l’Etat doit acheter sa propre monnaie auprès des banques. L’Etat doit aujourd’hui emprunter sur les marchés financiers au prix de l’intérêt. Résultat : l’intérêt de la dette publique (le service de la dette) absorbe tous les ans la quasi-totalité de l’impôt sur le revenu. Dans la pratique, cela revient à détourner l’argent public de sa destination légitime : au lieu de servir le bien public, il sert quelques intérêts particuliers.
Le service de la dette de l’Etat est le deuxième poste budgétaire de la nation, après celui de l’Education nationale et avant celui de la Défense. C’est prélever sur notre travail et notre production plusieurs millions d’euros par jour et le transférer à ceux qui sont déjà les plus riches, qui d’ailleurs peuvent le prêter à nouveau contre intérêt. Et cette monnaie prêtée, comme 93 % de la monnaie en circulation est issue de la création monétaire par les banques privées, monnaie créée ex nihilo, à partir d’une simple ligne d’écriture.
Rembourser la dette pour aliéner les démocraties. Le rêve néo libéral est un monde où l’Etat est réduit à la seule mission de maintient de l’ordre. On trouve son porte drapeau dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dont le cheval de bataille est l’AGCS (Accord général pour le Commerce des Services). L’idée dominante derrière cet accord est d’obtenir la libéralisation de tous les services. Tous les domaines sont visés, et en particulier ceux qui pour le moment encore relèvent de l’Etat, comme la santé ou l’éducation. Tout ceci est très cohérent dans une stratégie néo libérale : rembourser la dette, sans rétablir au préalable le pouvoir de création monétaire aux nations et sans augmenter les recettes fiscales, c’est amputer les ressources publiques, ce qui implique de transférer sur le privé tous les services publics faute de pouvoir les financer.
Source: Les amis du Monde diplomatique .

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