dimanche 15 janvier 2012

«La saison des tempêtes vient d'éclater sur la France»

Jean-Luc Mélenchon revient sur la dégradation. Pas uniquement, selon le candidat du Front de gauche, la «responsabilité de Nicolas Sarkozy» mais celle d'un système, dont le chef de l'Etat " est l'agent " 

Par Lilian ALEMAGNA, envoyé spécial à Nantes/Libération


Jean-Luc Mélenchon le répète souvent: il est sensible aux «hasards» qui jalonnent son parcours politique. Une dégradation de la note de la France par l'agence de notation Standard & Poor's annoncée au lendemain d'une émission politique remarquée et à la veille de son premier meeting de 2012, ce samedi, au Zénith de Nantes... Le timing aurait pu être pire.

Le candidat Front de gauche à la présidentielle est en grande forme. Encore dans l'euphorie de sa prestation télé de jeudi soir sur France 2. A Nantes, à l'heure du déjeuner dans un restaurant faussement provençal au beau milieu d'une zone industrielle, le député européen refait l'émission. «Pujadas avait dit: ''pas de bataille de chiffres''. Mais moi j'avais l'arme atomique, sourit-t-il devant un ''déca''. Et puis c'est épuisant comme émission! Tu ruisselles! Tu perds du poids!» Il interpelle ensuite son conseiller, Alexis Corbière, sur l'«écoute collective», qu'il a organisé à Paris: «Toi aussi t'as mis les tweets?»

Capitulation


Balade digestive jusqu'au Zénith, puis conférence de presse avec le directeur du journal l'Humanité et député européen PCF, Patrick Le Hyaric. «ça va?» lui lance Mélenchon assis devant un fond bardé de son nouveau slogan: «Prenez le pouvoir». Il attaque sur le triple A: un «événement d'importance considérable». «La saison des tempêtes vient d'éclater sur la France», lâche, grave, l'ancien socialiste. Soucieux de ne plus donner d'argument pour apparaître comme diviseur à gauche, Mélenchon tire d'abord sur la droite, le Front national et François Bayrou: «Je suis consterné de voir que depuis 48 heures, à l'exception du Front de gauche, pour tous les autres c'est capitulation sans condition et d'abord le Premier ministre qui subit avec le Président de la République un revers inouï».

De l'intervention de François Hollande samedi matin, Mélenchon se dit «très déçu». Pour lui, la responsabilité de cette dégradation n'est pas «exclusivement» de la «responsabilité de Nicolas Sarkozy […] c'est la responsabilité d'un système, dont Nicolas Sarkozy est l'agent et c'est ce système […] que nous combattons», souligne l'ancien sénateur PS. «ça fait des mois que l'on dit que ça va se passer comme ça et on nous a rit au nez», reprend-t-il, excédé. «On ne nous a pas cru, on ne nous a pas écouté, on s'est moqué de nous! [...] Qui avait raison?  Eh bien c'est nous!»

Choc


Les autres candidats «acceptent de rentrer dans la règle [...] de la soumission»? Lui se propose de «rendre les coups»: «La France, deuxième puissance économique du continent» doit dire à la BCE de «lui prêter au taux auquel elle prête aux banques», soit 1%, «de manière à asphixier la spéculation», détaille-t-il. Et si la BCE refuse car les traités européens le lui interdisent? Alors le gouvernement doit se lancer dans «un emprunt forcé sur les banques françaises». Une «proposition de choc, d'affrontement mais qui retourne le choc contre l'expéditeur plutôt que de le répercuter contre le peuple français», assume Mélenchon. «Plus que jamais», cette présidentielle «devient en quelque sorte un référendum qui donne à choisir entre la résistance et la soumission», annonce le candidat du Front de gauche. Lui se voit comme «le candidat de la résistance et à cette heure, je suis le seul».
Soucieux de crédibiliser son programme, le voilà à défendre sa «politique de relance de l'activité»: «195 milliards d'euros à reprendre» du côté du «capital» pour le réinjecter dans l'économie via une augmentation des salaires et du Smic à 1700 euros. Une relance Mélenchon quand, dit-il, ses adversaires de droite, du centre, d'extrême droite et ses «concurrents» socialistes et écologistes, ne proposeraient que de «l'austérité»: «Le programme des autres on l'a déjà appliqué! En Grèce! Au Portugal! En Irlande! Est-ce que quelqu'un peut me montrer un endroit où ça a marché! […] Nulle part! Partout c'est la catastrophe!». Il fustige des dirigeants européens «obtus» et «bornés», «infesté jusqu'à la moelle de libéralisme dans leur esprit», notamment les «Allemands», «premiers fossoyeurs de l'activité économique» européenne. Et le voilà à dire de l'ancien président américain Franklin Roosevelt qu'il «a fait une sorte de Front de gauche spontané»! «C'est nous, avec des communistes qui devont faire des leçons de keynésianisme aux autres! C'est nous qui leur disons au moins lisez Keynes si vous ne voulez pas lire Marx!»

«Appel» aux socialistes


Mais quand les autres candidats de gauche soulignent aussi leur volonté de remettre les comptes à l'équilibre, ce discours ne risque-t-il pas d'être peu audible? «Je veux bien revenir à l'équilibre, répond Mélenchon. Mais pour moi, ce n'est pas urgent. Ce qui est urgent c'est de remettre de la vie. Et s'il y a de la vie, il y aura de l'équilibre.»

Entre 6 et 8% dans les sondages, Mélenchon veut réussir janvier pour faire décoller sa candidature. Et la période s'annonce porteuse. A condition de ne plus apparaître comme faisant le jeu de la droite. Alors, comme à Grenoble en août, le voilà qui lance un «appel» aux socialistes «à eux qui sont nos camarades, nos partenaires naturels et dans tant de circonstances, nos alliés», insiste l'ancien ministre de Lionel Jospin: «Je les adjure de se ressaisir! Ne cédez pas! Ne capitulez pas! insiste-t-il. Je forme le vœu qu'au plus vite, nos camarades socialistes se souviennent de l'expérience désastreuse des socialistes espagnols, portugais ou grecs |...] qui ont cru bien faire en cédant».

Le soir, devant plus de 6000 personnes (selon les organisateurs) nantis de leurs drapeaux rouges, Mélenchon déroule. Avec le Front de gauche, il veut croire que la perte du triple A apporte une «énergie propulsive» à sa campagne. A condition de bien user de ce «hasard» de janvier.

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