dimanche 5 février 2012

En finir avec le CSA ! Pour un Conseil national des médias… de tous les médias

par Henri Maler, le 6 février 2012
Nous ne sommes pas aveugles : nous savons bien que la question des médias, par temps de crise économique et sociale ravageuse, ne constitue pas une préoccupation prioritaire. Mais notre rôle, du moins tel que nous le comprenons, est d’éviter que la question de l’appropriation démocratique des médias ne figure plus du tout dans le débat public, notamment à l’occasion des prochaines échéances électorales. Toutes nos propositions, réunies dans une même rubrique, sont discutables et discutées au sein d’Acrimed qui, sans attendre, les met publiquement en débat.

L’article ci-dessous, publié dans Médiacritique(s) n°2 (janvier 2012), reprend et précise un article publié le 15 avril 2006 qui figure désormais en annexe (Acrimed)

Pour un Conseil national des médias… de tous les médias
Parmi les conditions de leur appropriation démocratique (et donc de l’existence d’un service public de l’information et de la culture) figure la nécessité d’une refonte des institutions publiques en charge de la question des médias. Cette refonte, telle que nous l’avions proposée dès 2006, est d’autant plus indispensable que la révolution numérique a bouleversé le paysage médiatique. Les échéances électorales de 2012 n’ont guère suscité de projets en ce sens : L’UMP n’a encore rien dit, sans doute parce qu’elle est satisfaite, et le Parti socialiste se borne à envisager quelques mesures cosmétiques [2]. Pourtant quelques mesures radicales s’imposent, à commencer par la suppression et le remplacement de l’actuel Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

* * *
Inféodé au pouvoir politique et assujetti aux entreprises médiatiques, le CSA est un organisme-fantoche et un organisme-croupion : un simple relais du pouvoir exécutif, cantonné à la régulation de l’audiovisuel dans une définition désormais archaïque. À l’heure d’Internet, de la révolution numérique, de la multiplication des supports et du multimédia, toutes les composantes de l’espace médiatique sont plus que jamais solidaires. C’est pourquoi un Conseil national des médias, entièrement redéfini dans ses missions et sa composition, doit être institué.
Quelle composition ?
Un tel conseil des médias devrait être dégagé des formes de représentations politiques qui prévalent aujourd’hui et qui aboutissent au sein de l’actuel CSA à la prédominance absolue de l’exécutif et des majorités parlementaires qui décident de sa composition. Il devrait être composé d’élus, de professionnels des médias et de porte-voix des publics.
- Quel que soit le mode de scrutin retenu pour l’élection des Assemblées parlementaires et en particulier de l’Assemblée nationale, la représentation politique au sein du Conseil national des médias doit être une représentation strictement proportionnelle.
- Quelle que soit la part réservée aux chefs d’entreprises, privés ou publics, la majorité de la représentation professionnelle doit revenir aux principaux acteurs des médias : les journalistes et les salariés des médias, ainsi que leurs organisations syndicales ;
- Quelles que soient les modalités retenues de représentation des usagers, celle-ci doit être effective, même si le risque d’une faible représentativité n’est pas négligeable : leur rôle pourrait être, du moins dans un premier temps, consultatif.
En tout cas, de telles dispositions (notamment parce qu’elles distinguent la représentation politique et la représentation directe des usagers) pourraient n’être que provisoires : elles prendraient tout leur sens si tout ou partie des représentants aux Conseil des médias étaient élus à la proportionnelle, sur la base de projets et selon un mode de scrutin spécifiques.
De surcroît, une seule autorité publique indépendante devrait remplir ou coordonner les fonctions remplies aujourd’hui par diverses institutions cantonnées à tel domaine d’intervention et à tel type de médias. Par exemple, sous réserve des autres transformations souhaitables et sans préjuger de celles-ci :
- Les organismes d’évaluation de la diffusion et des audiences ne doivent pas être sous-traités à des organismes privés et/ou dépendants. Médiamétrie et l’OJD doivent être remplacés ou modifiés. Ils devraient être ou devenir des organismes publics ;
- L’ Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) [1] devrait remplir ses fonctions au sein du Conseil national ou sous son contrôle.
- L’Autorité de régulation des communications électronique et postales (ARCEP) devrait agir de concert avec le Conseil des médias, voire constituer avec lui une seule et même instance.
Quelles missions ?
Le Conseil des médias aurait pour principaux rôles, sous réserve de précisions sur la répartition entre les pouvoirs effectifs et les fonctions consultatives :
1. La définition des modalités de financement public des médias  : l’allocation des montants de la redevance audiovisuelle ; l’allocation des aides publiques à la presse ; l’allocation des ressources destinées aux médias associatifs. Seul un organisme réellement indépendant permettrait d’en finir avec l’arbitraire politique et l’opacité qui règnent sur ces allocations.
2. Le contrôle de la publicité  : la définition des normes des messages publicitaires ; l’établissement des règles relatives aux conditions de leur diffusion, et celles relatives à leur ampleur, de concert avec l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP qui devra être refondé. La place et le contenu de la publicité dans les médias ne relèvent pas des seuls spécialistes et professionnels de la publicité : ils doivent, pour le moins, faire l’objet d’un débat public.
3. La gestion des moyens publics de production et de diffusion : la répartition des canaux et des fréquences disponibles ; le contrôle de la gestion des moyens publics d’impression ; le contrôle de la transparence des organismes de diffusion de la presse ; la prise en charge des relations avec La Poste et les Télécommunications (dont il faut souhaiter les renationalisations)
4. Le contrôle des mesures d’audience et de diffusion : la redéfinition des organismes d’évaluation de la diffusion et des audiences ; la réévaluation de leurs critères et le développement des enquêtes qualitatives sur les usages des médias, dégagées des présupposés mercantiles de celles, trop rares, qui existent actuellement..
5. Le contrôle du pluralisme médiatique et de la législation sur les concentrations, en particulier par l’instauration d’un droit de saisine des juridictions compétentes en cas de transgression des dispositions législatives.
6. La protection de la liberté sur Internet et de sa neutralité et, en particulier, la mise en œuvre de dispositions qui protègent les droits d’auteur sans recourir à la répression aveugle et absurde qui est le lot de la loi Hadopi.
Dans le cadre de l’actuelle Constitution, c’est au parlement que revient le vote du budget alloué aux médias et des lois qui les concernent, tandis que le gouvernement – la Direction des Médias (DDM) et le Ministère des Finances en particulier – sont chargés de l’application des dispositions législatives. C’est beaucoup, c’est beaucoup trop, si leurs compétences ne sont pas strictement circonscrites et surtout si n’existe aucun contre-pouvoir. Dans ce but deux mesures complémentaires doivent être envisagées. D’abord, le rôle désormais rempli par les régions et le poids grandissant, actuel et à venir, des médias locaux rendent indispensable le transfert des compétences nécessaires à des Conseils régionaux des médias, indépendants des Conseils régionaux proprement dits. Ensuite et surtout, sur le plan national, le « Conseil national des médias », tel que nous l’avons défini, pourrait être constitution être inscrit dans la Constitution : la notion confuse de « quatrième pouvoir » recevrait ainsi un sens précis.
Henri Maler, pour Acrimed

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