dimanche 19 février 2012

Les socialistes européens, alliés privilégiés du monde des affaires ?

February 19, 2012
D’une Internationale à l’autre
Par Geoffrey Geuens

 Présumés impuissants face aux lobbies, à la droite « ultralibérale » ou encore au FMI, les socialistes européens se disent volontiers victimes de l’idéologie du tout au marché et de la toute-puissance de la haute banque et, plus généralement, du monde des affaires. Mais de qui parle-t-on, au juste ? Du Premier ministre Wim Kok qui dérégula, aux Pays-Bas, le marché du travail avant de rejoindre les conseils d’administration d’ING, de Shell et de TNT ? De Tony Blair qui transforma l’État social britannique en État pénal pour devenir, ensuite, consultant du trust américain JP Morgan Chase et de Zurich Financial Services ? A moins qu’il ne s’agisse de l’ex-Chancelier Gerhard Schröder, actuellement conseiller de la famille Rothschild, président de Nord Stream et administrateur du groupe pétrolier TNK-BP ? Ou, peut être, de Michel Rocard, qui mit son expérience au service du géant britannique du capital-investissement Terra Firma Capital Partners. Ou, encore, de Lord Peter Mandelson, ancien homme fort du Labour, devenu conseiller de la banque Lazard ?
 Réunis en 2008 à New York, au siège des Nations Unies, les dirigeants de l’Internationale Socialiste y réaffirmèrent leur volonté de lutter contre l’hypercapitalisme et la recherche du profit à tout prix. L’œil, la paille et la poutre. A moins, bien sûr, que nous n’ayons mal interprété les intentions des uns et des autres ; les incantations en faveur d’un contrôle accru des institutions bancaires devant être, dans ce cas, prises au sérieux. Après tout, blairistes comme strausskahniens, se révèlent tenaces lorsqu’il s’agit de siéger dans les conseils de surveillance des leaders mondiaux de la haute finance. Surveillance, disons, rapprochée.
 Figure désormais imposée de la communication politique, la dénonciation des « marchés financiers » – aussi virulente qu’inoffensive – restera sans suite. On nous l’avait pourtant  promis : les choses ne seraient plus jamais comme avant. La régulation, par exemple, des hedge funds. Le travailliste Lord Malloch-Brown, ex-secrétaire général adjoint de l’ONU, observe leurs pratiques, de très près, en tant que vice-président de l’empire Soros Fund Management…
Quelle crédibilité accorder, dès lors, au candidat socialiste à la présidentielle française, lorsque ce dernier clame haut et fort : « Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire quel est mon véritable adversaire : il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc jamais élu. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » Pas de visage ? Pas de nom ? Pas de parti(s) ? Rien n’est moins sûr. Il est vrai qu’il est plus confortable de dénoncer les « marchés financiers » que de s’attaquer, très concrètement, aux acteurs réels de la haute banque et de la grande industrie. Un tel projet politique placerait François Hollande dans une position bien inconfortable : celle qui consisterait à s’en prendre aux privilèges de certains de ses propres conseillers et de ses (anciens) collègues européens passés de l’Internationale socialiste à l’Internationale capitaliste. François Hollande s’y est pourtant engagé : il combattra « sans faiblesse » le « monde de la finance ». On voudrait bien le croire.

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