vendredi 27 avril 2012

Le restant de la colère de Dieu


Commençons par une brève analyse du résultat de dimanche. Brève, car je ne souhaite pas concurrencer les “politologues” professionnels qui enfoncent des portes ouvertes ou déversent contre rémunération leurs tombereaux de billevesées devant tous les micros qui se tendent.
Premièrement, les médias font mine d’entretenir le suspense autour du “duel” qu’ils ont souhaité et provoqué. Mais c’est un suspense en peau de lapin. Les chiffres sont implacables : malgré le score de Mélenchon moins bon qu’anticipé, et parallèlement celui de Le Pen un peu meilleur, il est clair que Hollande a course gagnée. Et l’attitude inqualifiable du nabot maléfique qui nous gouverne encore pendant 10 jours ne fera qu’aggraver la situation. Le dernier sondage donne 55-45. Un gouffre. On ne peut pas racoler à la fois les électeurs de Le Pen et ceux de Bayrou. Ou alors on perd son âme. En même temps que les élections.
Autre bémol : tout le monde ne parle que de Le Pen, de la bête immonde qui a encore surgi du ventre encore fécond, que le fascisme ne passera pas, et blablabla et patata. Pendant un moment lors de la soirée électorale, des estimations prêtées au FHaine ont effectivement dépassé les 20%… Mais le score définitif, dont on parle moins, est de 17.9%.  C’est certes beaucoup, d’autant que localement ça peut être beaucoup plus, c’est plus encore que le vieux en 2002 (il fallait y ajouter les 2% de Mègret), mais en même temps ce n’est guère surprenant. Le Pen a surtout récupéré ses électeurs abusés par Sarkozy en 2007…
Le FHaine raciste, parfaitement incarné par Le Pen père, l’éditeur de disques nazis, le tortionnaire d’Algérie, avait vécu et plafonnait. Ce qui relance l’intérêt pour ces idées répugnantes, c’est la “crise” et le sentiment d’impuissance dû aux institutions européennes qu’on nous a refourguées dans le dos. Ce qu’on peut désigner sous le nom de “ouiouisme”. Sarkozy, Hollande (qui est un “bébé Delors” bien plus qu’un “bébé Mitterrand”) et Bayrou sont des ouiouistes forcenés. Comme la plupart des éditorialistes de la médiacratie. Or, derrière cette haute idée, certes intellectuellement passionnante, de la “construction européenne”, la collaboration de 27 pays, la même monnaie pour tous, la liberté de circulation, la paix, le défi intellectuel, aussi, c’est essentiellement un libéralisme froid et implacable qui a été en réalité mis en œuvre.
Au final, cette Europe a montré ce qu’elle était : une aire de jeux pour ultralibéraux, avec généralisation du dumping social et fiscal, mise en concurrence des travailleurs, des camions slovaques ou polonais qui envahissent nos autoroutes, un moyen de délocaliser en Europe de l’Est l’industrie qui n’était pas partie en Asie, un rouleau compresseur financier (Commission, BCE, FMI, MES) qui est en train de nous broyer.
On peut parler de la manière dont Mitterrand avait instrumentalisé le FHaine contre la droite dans les années 1980, on peut évidemment constater que Sarkozy s’est vautré dans ces idées, mais on doit surtout reconnaître la responsabilité de tous ceux qui nous ont entraînés dans ce merdier, ceci incluant les Bernard Guetta et les Jean Quatremer, qui continuent d’ailleurs de pérorer quotidiennement sur le sujet.
Si Mélenchon a fait beaucoup moins de voix que Le Pen, c’est peut-être aussi que sa dénonciation de cette impasse européenne n’a pas été de sa part aussi tranchante.

Les premières heures de la campagne du second tour ont donné le ton :

Sarkozy et ses perroquets d’élevage ont deux semaines pour faire la pute (mes excuses aux vraies putes, qui elles font un métier d’utilité publique) auprès du FHaine et surtout de ses électeurs, deux semaines pour exhumer les thèmes les plus putrides, deux semaines pour dézinguer Hollande à coup d’arguments incluant les plus hétéroclites et les plus indignes (cf le para-lepéniste Lionnel Luca et “Madame Rottweiler”).
Et c’est du lourd. Voir à l’œuvre Morano, qui est dépourvue de toute dignité, ce n’est pas une surprise. Après tout, son rôle a toujours été de rabattre les crocodiles vers son maroquinier de patron. Mais confier cette basse besogne à ces deux bécasses de Rama Yade et Rachida Dati, on est à la limite de la maltraitance. Même si personne ne les oblige, car elles pourraient bruyamment clamer leur désaccord devant les nombreux micros qui leur sont tendus. Mais elles l’ont déjà prouvé : ce sont des carpettes totalement dépourvues de fierté, pourvu qu’il y ait un fromage au bout. Sauf que là, elles vont perdre.
Sarkozy a décidé, sans rire, de dédier sa campagne “aux petits, aux sans grades, aux ruraux, aux travailleurs”… Bref, tous ceux qu’il a méprisés, laissés tomber, enfoncés pendant 5 ans. Tous ceux avec lesquels il n’a pas bouffé au Fouquet’s ni distribué la Légion d’Honneur… Heureusement que le ridicule ne tue pas, même en légitime défense.
Dès le lendemain de l’élection, toutes les bourses européennes baissaient… ”C’est la faute à Hollande !”, s’écrie aussitôt Sarkozy, suivi par le chœur de ses perroquets d’élevage. Quel guignol ! Si en 1981 la bourse avait peut-être encore un peu peur de la gauche, elle a hélas eu toutes les occasions de se rassurer depuis lors… La bourse n’en a rien à foutre que ce soit Hollande ou Sarkozy. Elle jugera l’un comme l’autre à sa docilité à se plier aux diktats des banksters. A payer la dette, à réduire les déficits en plumant son peuple. Ce sera le quotidien des 5 prochaines années.
Rions quand même en écoutant la réponse de Hollande : “Ce n’est pas la finance, ce ne sont pas les bourses, ce ne sont pas les marchés, qui vont décider à la place du peuple…”. Chiche, mon gars ! Je la note, celle-là, je sens hélas qu’on pourra la ressortir tôt ou tard.
Le vrai travail.
Première provocation indigne, la polémique du “vrai travail”. Notons que cette polémique est déjà terminée, car devant l’ampleur qu’elle prenait, Sarkozy, mentant comme un arracheur de dents du Premier Cercle, a déclaré hier soir sur TF1 qu’il n’avait jamais dit ça, et a dû subir le ridicule du menteur hier soir chez Pujadas.  Mais ses mensonges (comme celui de “je suis allé à Fukushima”) ça n’étonne plus personne.
Selon Sarkozy, le “vrai travailleur”, c’est celui (ou souvent celle) qui se lève tôt le matin, qui ne demande rien à personne et va travailler… Et qui ne se plaint pas. Evidemment, sinon il (elle) est virée !
Un “vrai travailleur”, ça s’analyse selon les critères ultralibéraux. C’est quelqu’un qui a subi tous les reculs sociaux, au profit des actionnaires de son patron. Avant, du temps (honni par Sarkozy) où les syndicats étaient tout puissants, on avait souvent le travail à vie. On était régi par une convention collective, des accords de branche. Ou alors on était fonctionnaire. Mais ça, c’était avant. Le fonctionnaire, ce pestiféré, c’est l’ennemi de tous les libéraux du monde : il doit disparaître. Sarkozy se vante d’en avoir supprimé 160 000. Quant au salarié du privé, il devra devenir précaire. Les négociations, ce sera directement avec le patron, qui lui refusera toute augmentation, toute prime. Sur le mode “De toute façon, si t’es pas content, y’a 10 crève-la-faim qui ne demandent pas mieux que de prendre ta place et ton salaire de misère.”
Le “vrai travailleur” gagne une misère depuis que des salopards de politiciens pourris ont généralisé le travail précaire, les CDD, l’intérim, le temps partiel subi… Et qui lorsqu’il ou elle se retrouve au chômage, découvre le mépris de l’État à travers l’organisation bolchévique et inefficace jusqu’à la caricature du “Pôle Emploi”, cette machine à broyer…
La vérité, c’est que Sarkozy veut encore leur pourrir davantage la vie. Sous prétexte de se débarrasser des tricheurs. Alors qu’ils ne sont qu’une infime partie du lot, que de toute façon il vire les fonctionnaires chargés de les traquer (va-t-il embaucher des chasseurs de prime privés ?) et que le montant de la fraude n’est rien en face de la fraude fiscale et patronale.
Un de ses projets, “rendre dégressive l’indemnisation des chômeurs pour les encourager à retrouver du travail”. Que de saloperie dans une petite phrase ! Du MEDEF pur sucre !
Sait-il (ou elle), le “bon Français qui se lève tôt”, que lorsqu’il sera frappé par une des plaies du libéralisme (“crise”, “délocalisation”, “précariat”) et jeté au chômage, il se retrouvera d’office dans le clan des parias, et verra le chœur de Sarkozy et de ses électeurs puants lui jeter des pierres en hurlant : “feignasse ! assisté ! T’es bien content de toucher les zallocs et les zassedics pendant qu’on bosse, hein ? C’est à cause de toi qu’on paie des zimpôts ! (et si par hasard il ou elle est “musulman(e) d’apparence” :) retourne dans ton pays, sale bougnoule, dégage avec ton halal et va construire ton minaret ailleurs !)

Au fait, on leur explique, aux électeurs de droite, qui a fait venir en masse de la main d’œuvre d’Afrique du Nord dans les années 1960 pour construire leurs bagnoles ? Qui a jeté ces travailleurs dans la misère une fois que la robotique puis la délocalisation les ont rendus inutiles ? Qui les a parqués dans des ghettos ? Ben oui, les mêmes qui font semblant de compatir aujourd’hui à la misère des “bons Français”.
Le vote des étrangers. Sarkozy tient là un super sujet : un repoussoir à FHaine. Il répète donc partout que Hollande veut autoriser les étrangers à voter en France. Précisons que ça ne concerne que les élections locales, et que c’est déjà le cas pour tous les Européens. Et nous ne sommes pas devenus par miracle allemands, belges ou portugais… Mais le plus drôle, c’est que Sarkozy lui-même était favorable à cette mesure en 2005. Une image vaut mieux qu’un long discours :
Les origines chrétiennes de la France.
Voilà encore de la xénophobie rampante, sortie de la fange par Sarkozy dans un de ses derniers meetings. On sait que c’est un cheval de bataille du FHaine. Mais qu’est-ce que cette connerie a à voir avec la choucroute ? On pourrait argumenter sur le fait que c’est historiquement très discutable, ou plus simplement se demander en quoi Sarkozy, qui n’est pas d’origine française mais hongroise, démontre par l’absurde l’ineptie de cette assertion. Mais surtout, est-ce bien là un sujet majeur de préoccupation ? Racolage abject là encore.
Les imams et le “lapidateur” Tariq Ramadan appellent les musulmans à voter Hollande.
Ah elle est bonne, celle-là. S’appuyant sur un article de Marianne qu’il déforme éhontément, Sarkozy chatouille encore les roubignolles des Lepénistes : “Attention, vos ennemis les bougnoules appellent à voter Hollande ! Votez donc pour moi, contre les bougnoules !
Pire, il affirme que l’islamiste Ramadan a lui aussi appelé à voter Hollande. Raté, le gugusse a démenti catégoriquement.
Mais il attendait quoi, Sarko ? Après 5 ans de mépris, d’amalgames et de piétinement continus, il voudrait encore que les musulmans votent pour lui ? Ce type est un malade, même pas foutu d’assumer ses choix.
… et Sarkozy a l’indignation sélective s’agissant du communautarisme, puisqu’il n’a pas relevé que le CRIF appelle à voter pour lui !
La dernière connerie (en date, hein, il y en aura d’autres…), c’est le “permis de tuer”(on dit “présomption de légitime défense”) accordé aux flics.
C’est même devenu ces dernières heures l’unique sujet de conversation. On est toujours dans le schéma “un fait divers, une loi”. Ce type est un velléitaire gesticulatoire. Sauf que cette idée est issue tout droit d’une proposition du FHaine ! Et que ça fait froid dans le dos.
Notons que la stratégie UMPiste est inspirée par Patrick Buisson, le gourou de Sarkozy, qui veut souder l’UMP et le FHaine. Cette stratégie ne fait pas l’unanimité, loin de là. La plupart des ministres souffrent en silence, et des Raffarin, ou des Juppé sont désespérés (d’habitude ils sont plutôt désespérants), tous ont compris que le Nain a pété les plombs et qu’ils vont droit dans le mur.
Le pire, c’est que toutes ces foutaises ne servent qu’à créer un clivage largement artificiel entre Hollande et Sarkozy. Puisque leurs politiques économiques sont les mêmes. Je l’ai dit 100 fois, payer la dette, déficit zéro, et donc, quoi qu’en dise Hollande et son fantasme ridicule de “volet de croissance“ : austérité, serrage de ceinture et vaches maigres.
Mais si les politiques sont les mêmes, si ceux qui se prétendent “de Gauche” ne le sont pas forcément, la campagne a permis de confirmer qu’il y a en France un peuple de droite et un peuple de Gauche (ceux qui se prétendent “du centre” sont aussi de droite).
Le problème, c’est que ce “peuple de droite” est majoritaire, et de plus en plus. Puisque pour l’instant il n’y a pas d’alliance réelle entre l’UMP et le FHaine, la droite va pourtant perdre les élections. Mais ça ne durera pas. La catastrophe annoncée du quinquennat Hollande va vraisemblablement provoquer une nouvelle hausse du FHaine.
Et pendant ce temps, les idées nauséabondes infusent. L’ambiance devient de plus en plus lourde. La xénophobie se banalise. Il faut dénoncer la France de droite, et ses idées rances qui nous pourrissent la vie !
Il faut les montrer du doigt, les catholiques pratiquants, qui ont voté Sarkozy à 47% dimanche dernier ! Avec les 18% qui ont voté le Pen (comme la moyenne nationale) et les 17% de Bayrou (le double de la moyenne nationale), ça nous fait 82% des punaises de bénitier qui ont les vieilles idées poussiéreuses de la droite racornie.
Plus “drôle”, encore. A Satory, un quartier de Versailles dont les seuls électeurs sont des militaires et leurs familles, Marine Le Pen a fait 46% et 34% dans les deux bureaux de vote. Ça fout carrément les boules.
Ce lundi, l’émission “Là-bas si j’y suis” a diffusé un reportage sur les réactions enregistrées la veille au soir dans les différentes manifestations politiques de la capitale. Bon évidemment, les mélenchonistes, qui s’étaient monté le bourrichon tout seuls, avaient envie de pleurer. Mais les réactions les plus intéressantes étaient chez les supporters de l’UMP.
Une vieille crevure de droite, ancienne fonctionnaire partie plus tôt en retraite “parce qu’elle était dégoûtée par les autres fonctionnaires” (ça ne s’invente pas) nous explique, la voix sifflante de haine, que le pire, ce n’est pas Hollande, c’est Martine Aubry, qui est “le restant de la colère de Dieu”. Admirable expression, création d’un cerveau malade envahi par la moisissure et les toiles d’araignées. J’imagine un neurochirurgien qui examinerait ce cerveau, un peu comme un chauffagiste qui démonterait une vieille chaudière pleine de rouille, de calcaire et de fuites. Leur diagnostic serait le même : un haussement d’épaules défaitiste : “bah, y’a plus rien à faire, ma p’tite dame, faut tout changer, là…
Si jamais je m’abaisse à voter Hollande le 6 mai (je n’ai pas encore décidé… Autant je ne me le pardonnerais pas si Sarkozy gagnait d’une voix, autant je m’en voudrais d’avoir contribué à la mascarade à venir si, comme c’est probable, Hollande l’emportait avec 54 ou 55%…), c’est autant par proximité avec ce “peuple de gauche”, que par rejet des idées pourries de la vieille droite, telle que Sarkozy les touille actuellement avec son grand bâton à merde. La pensée de ce pov’type prend de plus en plus la forme et l’odeur d’une flaque de dégueulis au fond d’un bidet. C’est ce qui restera de son quinquennat.
Source: Blog SuperNo

Aucun commentaire: