dimanche 6 mai 2012

La chasse d’eau est tirée


[Libye, 2005. Sarkozy, ministre de l’intérieur, avec le futur financier (putatif) de sa campagne 2007, voire plus… La justice nous le dira… Enfin, peut-être…]
[Note aux pointilleux et aux délateurs sarkozystes revanchards : ce billet a été écrit ce matin, alors qu’évidemment aucune estimation n’a pu être postée, et programmé pour être publié à 18h00, alors que #RadioLondres aura sans doute déjà confirmé ce que tout le monde sait déjà. Le résultat que j’indique est donc seulement le fruit de mon imagination et d’une intuition qui confine à la certitude. Si par malheur cette intuition devait être démentie, j’aurais l’air malin, mais j’assume]
Voilà, c’est fait ! Le pov’con s’est cassé. A l’heure qu’il est, il est sans doute en train de commander à Guaino une lettre de motivation pour devenir directeur honorifique de la société Bouygues (ou LMVH, ou Lagardère, ou Bolloré…), avec golden hello, salaire indécent, golden parachute et stock options, comme il sied naturellement aux gens de son rang.
Dégage, nuisible ! Tu as explosé toutes les limites de l’indécence et de l’indignité pendant ces cinq ans, et tout particulièrement pendant les deux dernières semaines. C’est désormais à la justice de s’occuper de ton cas, et elle a du boulot. On espère que ça ne prendra pas 20 ans, comme avec ton prédécesseur.
Même si je ne pourrai évidemment pas m’empêcher de laisser échapper un rugissement de satisfaction à l’annonce officielle de l’expulsion du nabot à grands coups de pompes dans le fondement, je vais vite m’en remettre. Non seulement parce que je suis un gars sérieux, mais surtout parce que je mesure le cauchemar qui nous attend.
Non, ne comptez pas sur moi pour aller faire la fête jusqu’au bout de la nuit. D’abord parce que je fais partie de la France qui se lève tôt, et qui a un vrai travail qui est son seul revenu. Mais surtout parce qu’il n’y a pas de quoi rire.
Pour expulser Naboléon, ce qui était, j’en conviens, une nécessité absolue, il a fallu élire Hollande (qu’on ne peut plus appeler Flanby depuis mercredi dernier, on a vu qu’il peut aussi être très méchant).
Un Hollande qui, quoi qu’il en dise, n’a pas la moindre divergence fondamentale avec son prédécesseur en matière économique.
Oh, bien sûr, Hollande est plus intelligent, plus spirituel, plus cultivé, moins agité, moins bling-bling, moins vulgaire. Rien de tout ça n’était insurmontable, d’ailleurs. Il a forcément moins de casseroles au cul, ce qui n’est pas difficile, puisqu’il n’a jamais exercé le pouvoir, et que Sarkozy a épuisé tous les stocks de chez Tefal pour les décennies à venir.
On peut certes laisser à Hollande le bénéfice du doute, lui accorder quelques mois afin qu’il puisse montrer ce qu’il sait faire.
Sauf que c’est perdu d’avance. Regardez un peu son programme électoral, d’une indigence absolue. Jamais candidat n’a si peu promis (A part peut-être Sarkozy, dont le programme cette année s’est résumé à une privatisation grotesque du drapeau tricolore). Souvenez-vous des élections précédentes, de Mitterrand en 1981 jusqu’à Sarkozy en 2007. Le premier voulait changer la vie, le dernier prétendait diviser le nombre de chômeurs par 2, loger tous les SDF et avoir un vice-premier ministre en charge de l’écologie. Grands diseurs, petits faiseurs.
Mitterrand a tout de même laissé quelques réformes symboliques (la suppression de la peine de mort) ou plus concrètes au quotidien (baisse du temps de travail, cinquième semaine de congés payés, augmentation du SMIC), toutes attaquées aujourd’hui par l’UMPFN.
Hollande n’a surtout pas promis de changer la vie. Pourtant, il risque de la changer, mais pas dans le même sens. Hollande est le fils spirituel de Delors. Le frère de lait de Jospin et DSK. Social-libéral. Ouiouiste militant. Voleur de référendum. Traître et faux-derche sur le MES.
Hollande va s’installer volontairement dans le carcan de la Troïka (Commission, BCE et FMI). Son seul credo sera de “rembourser la dette”. Il a déjà verrouillé lui même l’appareil en s’engageant sur une réduction planifiée du déficit. Il n’est point nécessaire d’avoir fait l’ENA pour comprendre que cela oblige à entrer dans la logique libérale, c’est-à-dire diminuer les dépenses publiques, les dépenses sociales, privatiser ce qui peut encore l’être… Une politique qui par définition frappe les pauvres, ceux qui n’ont déjà plus les moyens de payer des mutuelles, des franchises médicales, et qui vont devoir travailler plus, plus longtemps, et se trouver encore plus dans la dèche lorsque le chômage les frappera : poursuite dans la droite ligne de ce que nous subissons depuis près de 30 ans, et particulièrement les cinq dernières années.
Rembourser la dette, c’est se priver de sommes colossales qui pourraient être utilisées pour des chantiers sociaux et environnementaux. C’est s’obliger à augmenter les impôts. Ceux des riches, évidemment, mais aussi et surtout les autres.
Comment s’étonner dès lors du manque d’ambition désespérant des mesurettes du programme de Hollande ? Embaucher des enseignants, c’est bien, mais que faudra-t-il supprimer pour les payer ? Et de toute façon, cela ne représente même pas la moitié du massacre fait par Sarkozy dans l’éducation. Idem pour les retraites : Hollande ne souhaite la rétablir à 60 ans que pour un nombre très minoritaires de personnes. C’est mieux que rien, certes, mais la glissade se poursuit.
Quant au “Contrat de génération” (mais ! c’est Slovar sur la photo !), c’est le parfait prototype du gadget électoraliste : il aura la même influence sur le chômage que les “centres éducatifs fermés” (autre gadget qui a gaspillé en vain tant d’encre et de salive) en ont eu sur la délinquance.
A cette logique libérale implacable, Hollande a tout de même ajouté sa patte personnelle, une incantation qui est même devenue une de ces expressions toutes faites comme je les hais, reprise en boucle par tous les journalistes serviles : “ajouter un volet de croissance” (dans le même genre, il y a “instiller une dose de proportionnelle”).
On touche là le fond du ridicule. Si le but est de réduire la dette, il faut rembourser des fortunes aux banksters et il n’y a plus de sous pour autre chose, et le pays sombre dans la misère et le désespoir. C’est ce que la Grèce démontre parfaitement. Mais si on veut consacrer une partie de ces sommes à créer plus ou moins artificiellement de l’activité économique ou de la justice sociale, sans évidemment remettre en cause le remboursement de la dette, alors on la creuse encore. Sans que la “croissance”, que personne ne sait plus domestiquer, revienne.
C’est le pile ou face des banksters : “pile je gagne, face tu perds”. Si on en accepte les règles, on est foutu.
Je l’ai bien dit 100 fois, mais je le répète : le seul moyen de s’en sortir, c’est de briser le carcan en refusant ce jeu de cons. A l’islandaise ou à l’argentine : “ta dette, tu peux te la tailler en pointe et te la carrer bien profond…” etc.
Emmanuel Todd, qui fut si pertinent à propos de Sarkozy, a cette fois émis l’hypothèse que Hollande pourrait se révéler le “Roosevelt français”. Hum. Qu’il soit permis d’en douter.
On va bien sûr huer la sortie des pires politiciens qu’ils nous ait été donné de voir, les hontes du quinquennat, les Woerth, Lagarde, Dati, Copé, Bertrand, Hortefeux, Guéant, Besson, Tron, Balkany, Bockel, Alliot-Marie, Morano, Bachelot, Albanel, Boutin, Morin, Chatel, Pécresse, Estrosi, Berra, Penchard, Yade, Jouanno, Laporte, Douillet (liste longue et pourtant non exhaustive) dont une partie devrait aller croupir en taule pendant que l’autre devrait aller se cacher pour cuver sa honte jusqu’à la fin des temps.
Mais que va-t-on gagner en échange ? Le retour des vieux fossiles de la gauche caviar comme Fabius ou Lang ? Des DSKolâtres plus ou moins repentants ? En tout cas un premier ministre, Ayrault, caricature de politicard notable polycumulard du XXe siècle, qui n’a rien compris au film, croit encore au keynésianisme, à la “croissance”, à la “relance”, toutes ces foutaises obsolètes depuis 40 ans… Ayrault est accessoirement le triste protagoniste du conflit le plus emblématique entre ceux qui ont compris et les autres : la catastrophe environnementale du futur Ayraultport de Notre Dame des Landes, près de Nantes. Un non-sens total, une faute d’analyse majeure, un monument à sa gloire, une bêtise monumentale soutenue par tout ce que la région compte de dinosaures productivistes, au profit des bétonneurs comme Vinci…
Nouvelle humiliation pour les écolos dont il est l’ennemi… Mais avec 2% dans les urnes, ça change la face des négociations…
Aujourd’hui, un cauchemar se termine, mais il est plus que probable qu’un autre commence.
Ne serait-il pas temps de remettre en cause ce processus qui n’a de démocratique que le nom ? Qui a systématiquement abouti à l’élection d’un UMP ou d’un P”S” dont les programmes sont de plus en plus semblables et de plus en plus dictés à l’extérieur, en contradiction totale avec les intérêts des électeurs ?
Ne serait-il pas temps de tourner la page, de constater la disparition inéluctable et concomitante des principales ressources naturelles et l’impossibilité subséquente de baser l’économie sur la “croissance” ? D’arrêter de consentir au détournement éhonté de cette économie par ces goinfres parasitaires de la finance ? D’empêcher les multinationales de faire régner sur toute la planète la terreur et la course au moins disant social et environnemental ? Au contraire, plutôt que de graver dans le marbre des balivernes comme “les racines chrétiennes de l’Europe” ou des carcans comme “La règle d’or”, utiliser le burin pour acter la prééminence absolue de l’environnement et du social sur l’économie folle.
Tout cela ne pourra se faire que dans une vraie démocratie. Pas dans un système électoral frelaté où ce sont les médias, larbins des multinationales, qui désignent les candidats et séparent les “sérieux” des autres…
Un autre système est à inventer. Sortir du carcan ouiouiste européen, réécrire une constitution juste qui donne la priorité à l’humain, et empêche l’arrivée au pouvoir de politicards cyniques, avides, malhonnêtes et corrompus. Le système hérité de la démocratie athénienne, et basé sur l’introduction du tirage au sort, tel qu’il est proposé par Etienne Chouard est sans doute un très bon point de départ.
Mais ce n’est pas gagné. En 1981, une espèce de torpeur anesthésique avait gagné syndicats et presse libre (essentiellement le Canard Enchaîné) qui avaient mis des années à s’en remettre. Il ne fallait pas cracher dans la soupe mitterrandiste. Les premières manifs furent, un comble, le fait de vieux racornis de droite, ceux-là même qui ne s’abaissent jamais à descendre dans la rue, contre les tracasseries faites à l’école privée (qu’ils baptisaient abusivement “libre”).
Comment vont réagir les supporters plus ou moins forcés de Hollande ? Mélenchon ? EELV ? Les syndicats ? Mediapart ? Les “Left blogs” ? On ne les verra sûrement pas dans les manifs de droite, mais vont-ils cautionner les premiers renoncements ? Quoi qu’il en soit, je doute qu’Hollande bénéficie bien longtemps du moindre “Etat de grâce”. Le fait d’avoir mis aujourd’hui deux bulletins à son nom (j’avais une procuration) n’est en aucun cas un soutien : juste une contribution pour tirer la chasse.
Mais nous sommes dans un cercle vicieux dont on ne voit plus la fin. La montée en puissance de la France de droite, de l’UMPFN, cette France moisie de fachos qui s’ignorent, d’imbéciles au QI de bigorneaux, de retraités à la pensée périmée, au cerveau délavé par trop de TF1 ou de M6, et qui trouvent dans la xénophobie et la bêtise leur seul espoir. Aveuglés par la certitude que les zimmigrés et les zassistés sont la cause de tous leurs maux réels ou fantasmés. Oubliant les causes pour accuser les conséquences. Seule l’éducation pourrait récupérer les moins atteints d’entre eux, mais y a plus de sous pour l’éducation, “faut rembourser la dette“®.
La déroute annoncée de Hollande dans cinq ans (s’il tient cinq ans) présage d’un funeste scénario : Marine Le Pen en tête au premier tour, Hollande et Mélenchon qui appellent à voter Copé pour “faire barrage au fascisme”. Quelle perspective ! Ca motive pour faire la fête ce soir !
Putain, cinq ans !

Source: SUPERNO

Aucun commentaire: