jeudi 22 septembre 2011

«La résurgence de la tuberculose est le révélateur d'une précarité très forte»



INTERVIEWLes foyers de cette maladie pulmonaire, détectée en Seine-Saint-Denis notamment, sont le signe de conditions de vie très dégradées, alerte Médecins du monde.

Des échantillons de sang de personnes atteintes de tuberculose. (© AFP Rodger Bosch)
A partir de la semaine prochaine, les habitants du quartier du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, vont tous être dépistés de la tuberculose. L'alerte est venue d'un premier dépistage mené cet été sur un échantillon de 500 personnes de ce quartier très pauvre, à l'habitat dégradé. Une vingtaine d’enfants et d’adultes sont atteints de cette maladie pulmonaire, selon les résultats. Une trentaine d'autres sont porteuses du bacille sans avoir déclaré la maladie. Le cas n'est pas isolé. En 2009, il y a eu en France 5276 cas déclarés de tuberculose, selon les chiffres de l'Institut national de veille sanitaire (INVS).
Comment expliquer la persistance de cette maladie pour laquelle il existe un vaccin (le BCG, qui n'est plus obligatoire depuis 2007), des traitements, et que l'on aurait pu croire endiguée en France ? Les explications du Dr. Jean-François Corty, directeur des missions France à Médecins du monde.
Peut-on parler d'une résurgence de la tuberculose en France ?
Au plan national, les chiffres sont plutôt stables depuis une dizaine d'années. En 2009, on recensait 8,2 cas pour 100.000 personnes. Mais les disparités restent très fortes selon les départements. Sont particulièrement touchés ceux d'Ile-de-France et la Guyane. En Ile-de-France, l'incidence la plus forte est relevée à Paris (23,4/100.000) et surtout en Seine-Saint-Denis (30,3/100.000). Lors de nos opérations de dépistage dans ces deux départements l'année dernière, on a détecté 14 cas de tuberculose sur 1100 patients. C'est beaucoup!
Comment l'expliquer ? Par des conditions de vie précaires ?
La résurgence de la tuberculose est, de fait, le révélateur d'une précarité très forte. On sait que la promiscuité, les conditions de vie déplorables, les difficultés d'accès au logement, à une eau de bonne qualité, les variations de chaleur, etc., favorisent le développement de la tuberculose. Pour la population des SDF, l'incidence est de 120/100.000, soit bien supérieure à la moyenne. Plus inquiétant encore, elle est en hausse régulière depuis début 2000. Comme l'épidémie de rougeole l'année dernière, la tuberculose est un indicateur social. Elle apparaît comme l'effet collatéral de la tension croissante entre les enjeux de santé publique, la politique sécuritaire et migratoire, les difficultés d'accès au logement, aux soins pour les plus pauvres... Le cas de Clichy-sous-Bois est à cet égard typique.
On sait pourtant dépister et soigner la tuberculose, non ? 
Oui, on ne meurt plus aujourd'hui de la tuberculose en France comme c'était le cas au milieu du siècle (le taux de décès était de 1/100.000 en 2009, selon l'Invs, ndlr). Mais le traitement et le dépistage sont de plus en plus difficiles, du fait des expulsions répétées des lieux de vie sans solution de relogement, qui surprécarisent les familles et compliquent incroyablement le travail des médecins. Le traitement de la tuberculose est efficace mais lourd: quatre antibiotiques pendant quatre à six mois, voire deux ans pour les formes les plus graves. Surtout, il nécessite un suivi très rapproché, avec des prises de sang... Les expulsions et déplacements répétés, en plus d'interrompre les traitements, engendrent des risques de résistance aux médicaments. Sans compter l'impact psychologique pour les personnes touchées, tant sont forts les préjugés sur cette maladie.
Comment se transmet la tuberculose et quels sont les symptômes ?
La transmission se fait par les particules salivaires. A partir du moment où il est traité, le malade n'est plus contagieux. Quant aux symptômes: toux, grande fatigue, fièvre, perte de poids...

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