jeudi 6 octobre 2011

Etre et rester insoumis ( 4 )



par Jean Dornac
Le pouvoir : Fruit de la pensée humaine et fils de l’ego.
La raison d’être du pouvoir, ou plus exactement la façon dont nous concevons son absolue nécessité, n’a guère de sens. La notion d’obligation de subir un pouvoir n’est que le fruit de la pensée, de la réflexion et des expériences de vie, de l’expérience cumulée des générations qui se succèdent, mais aussi de l’imagination débridée au seul service d’intérêts privés. Il est l’un des fruits de la mémoire. Comme tel, on peut le comprendre aisément, parce qu’il réunit les faits, les us et coutumes du passé, le pouvoir ne peut pas être quelque chose de neuf, il ne peut pas, littéralement, proposer ou imaginer quelque chose de nouveau. Ce qui est rivé au passé ne peut pas imaginer l’avenir !
Sans une pensée radicalement neuve, débarrassée des habitudes, des références mille fois répétées, ressassées, enseignées encore et encore sur les bancs de l’école, comment, affirmer sérieusement que l’on va changer les choses ? Les politiciens qui affirment cela dans leurs discours sont peut-être sincères, mais lequel d’entre eux n’a pas, au moins dans sa tête, la « bible » (au sens métaphorique) des ancêtres, par exemple le capitalisme politique ou les idéologies des illustres penseurs de droite, de gauche, du centre et j’en passe ? Sans ces « bibles », ils restent paralysés et n’ont rien à proposer, sinon des plats éternellement « réchauffés » avec juste quelques nuances sans importance. Et nous, le peuple, ayant besoin de nous raccrocher à des choses connues, puisque notre pensée et donc notre mémoire fonctionnent sur le même mode (comme pour tout humain sur la planète), nous ne les trouverions pas crédibles s’ils ne nous citaient pas les grands auteurs, les illustres personnages du passé, toutes ces choses ayant existées, mais déjà mortes au jour où on les rappelle.
Nous oublions bien trop vite, sans doute à cause de la recherche du confort intellectuel et du besoin maladif de sécurité, que la seconde d’avant n’existe plus, que nous ne connaissons pas celle qui arrive et que seulement celle qu’on vit à l’instant présent est porteuse d’espoir et promesse de possibles meilleurs avenirs si nous acceptons d’oublier le passé et d’inventer le présent, cette parcelle d’avenir… Inventer vraiment, sans autre référence que l’inconnu… Certes, voilà une œuvre exigeante, un immense défi, qui n’a comme marque principale que de considérables difficultés.
Une remarque, cependant, est importante, et même essentielle, ici. S’il faut se débarrasser des effets négatifs de la mémoire, il faut garder la part qui nous rappelle les erreurs, les tricheries, les vols de pouvoir qui ont pu mener, tout au long de l’histoire humaine, à des drames abominables, je pense aux dictatures, ou aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité, comme la Shoah et à tous les génocides que nous avons connus depuis.
Toutes ces explications préliminaires me conduisent à penser qu’il m’est impossible de croire ou d’imaginer qu’un quelconque et profond changement du monde serait possible au travers d’un mouvement politique, quelle que soit son orientation, quelle que soit sa « bonne volonté » ou sa sincérité. Non, rien ne changera, rien de profond, de vital, par l’action du monde politique ou par l’application d’une politique de droite, de gauche, de centre, bref, d’où que l’on voudra.
L’essentiel : La prise de conscience
Bien sûr, je comprends très bien que l’on puisse considérer que cette forme de pensée est pessimiste. Cependant, je ne le crois pas. Si je vous livre mes réflexions actuelles, c’est parce que je crois profondément, que l’humain peut changer, à condition :
- 1 : De comprendre le fonctionnement de la pensée humaine ;
- 2 : De vouloir réellement le changement.
Comprendre, c’est vouloir prendre conscience des choses et vouloir en vivre les conséquences, donc, changer, évoluer. C’est comprendre aussi, dans le cas présent, l’importance de l’ego dans les dérives humaines, son importance dans le fonctionnement de la pensée. C’est comprendre, encore, que nul n’est à l’abri d’un ego hypertrophié. Sans cette compréhension, chaque être humain peut glisser dans les pires dérives, celles du pouvoir, de l’argent, de la violence. La majorité des points de départ d’un acte violent, qu’il soit le fait d’un individu ou d’une nation, voit sa (fausse) justification dans l’ego qui s’estime blessé, diminué, nié.
Vouloir réellement le changement personnel est indispensable, incontournable même, si nous avons la volonté d’aller vers un monde différent, un monde enfin plus viable. Et le premier changement incontournable est bien de diminuer l’importance de notre ego.
Quand, majoritairement, nous comprendrons que tout être humain, quel qu’il soit, quel que soient sa culture et son lieu de naissance, possède naturellement la même importance, pas plus, pas moins que tout autre, nous aurons fait un pas essentiel !
Quand, majoritairement, nous comprendrons que les frontières, les notions de nationalisme, la foule de dieux vénérés, ne sont que des vues de l’esprit et que nous en tirerons les conséquences pour nous-mêmes, nous aurons fait un nouveau pas essentiel dans l’unité du monde des humains ! Et donc, un pas majeur vers un nouveau monde possible !
Sortir du « cadre », casser la programmation
(René Magritte)
renemagrittelhommeauchapeaumelon.jpgLorsque j’avais quarante ans et venais de subir pour la première fois le chômage, j’ai suivi, pendant quelques mois, des cours de vente pour me recycler. Je n’étais pas fait pour ce métier, je m’en suis vite rendu compte. Mais, j’ai retenu un élément majeur dans l’enseignement que nous dispensait un professeur à l’âme très belle. Cet élément n’est pas seulement valable pour les futurs vendeurs. Il est particulièrement adapté dans le cadre d’une insoumission intelligente et non-violente, il est essentiel pour parvenir à une réflexion réellement nouvelle.
Ce professeur nous disait : « Sortez du cadre », autrement dit, si vous vous voulez être capable d’imaginer une chose neuve, d’inventer une façon de vivre nouvelle dans la société, d’aller vers un monde véritablement nouveau, « sortez du cadre », « cassez la programmation » ! Ce qui est possible, je l’ai expérimenté dans la vente, est possible en tous domaines !
Le « cadre » qui nous est imposé, ici, la programmation que nous avons subie depuis l’enfance, nous dit, nous certifie, de manière consciente comme inconsciente que le pouvoir est nécessaire à la vie en société pour les humains.
Par conséquent, si nous voulons penser de manière radicalement neuve, si nous voulons sortir du cadre et casser la programmation, la première question que nous devons nous poser à propos de la réflexion en cours, est celle-ci : En quoi, le pouvoir est-il nécessaire à la vie humaine ?
De là, découlent toute une série d’autres questions tout aussi fondamentales :
- S’agit-il d’une question biologique, donc, incontournable ? Donc encore d’une programmation, mais indépendante de toute volonté humaine ?
- S’agit-il d’une simple vue de l’esprit, d’un dérapage de l’imagination ?
- S’agit-il d’une volonté de domination de la part d’une bien petite poignée d’humains au cours du temps ?
- Le fondement de la soi-disant nécessité de l’existence du pouvoir est-il lié à l’obsédante notion de sécurité ?
- Etc…
On peut supposer, qu’à l’origine, la notion de sécurité a pesé lourd dans l’adoption d’un besoin de pouvoir de nos très lointains descendants. Sans doute, dans ces temps très reculés, l’ego n’intervenait-il pas de façon bien puissante. Celui-ci surgit à mesure qu’on prend conscience de ce que nous sommes et plus encore de ce que nous pourrions être, c’est-à-dire, devenir ce que nous ne sommes pas au plus profond de nous, mais que nous envions.
Pour que la notion de pouvoir devienne aussi pesante, pour qu’elle soit omniprésente telle qu’elle l’est de nos jours, il a fallu que certains humains, dans un passé fort lointain, acquièrent un ego surdimensionné. Malheureusement, ce surdimensionnement se construit peu à peu, en fonction des événements extérieurs, mais aussi et surtout en fonction de notre désir de posséder le monde (certes, c’est une image, personne ne pouvant posséder le monde entier, mais cette image montre bien la dérive de la pensée). L’ego s’agrandit à mesure que nous voulons « devenir quelqu’un » et « posséder » toujours plus de biens. C’est à partir de ce moment-là que l’orgueil écrase tout sentiment noble en nous-même ; c’est à ce moment-là que le mensonge, plus ou moins permanent, devient un besoin et que toutes les dérives s’installent en nous. Et, plus cette volonté de « devenir et posséder » est grande, plus un humain la laisse grandir en lui-même, plus cet humain-là, deviendra un danger pour ses proches, ses collègues, et s’il est politicien, un danger toujours plus grand pour ses concurrents avant d’éventuellement devenir une catastrophe pour la paix du monde…
Il y a bien sûr beaucoup de paramètres qui interviennent dans la construction d’un être dominateur et sans conscience. Mais ma réflexion n’est pas un cours de psychologie. Je tente juste de montrer le chemin qui a mené aux catastrophes, toutes ces dérives de la pensée (pensée qui construit l’orgueil, la vanité, l’égoïsme, la violence, etc.), aboutissant, là où nous en sommes, c’est-à-dire au bord de l’abîme…
Qu’apporte le pouvoir ?
 (Ayvazovsky - Chaos)
ayvazovsky_turbulences.jpgUne certaine unification des citoyens d’une nation, oui, c’est peut-être l’apport le plus important. Mais sa limite, c’est qu’il n’est pas capable, qu’il n’a, en tout cas, pas la volonté d’unifier l’ensemble des humains de cette terre. Mais, point important : Il s’agit d’unifier, au niveau de la conscience et non pas d’uniformiser comme beaucoup seraient tentés de le faire. L’une des autres limites, c’est qu’il contribue à catégoriser les citoyens du pays. C’est devenu une habitude catastrophique, à tel point que les citoyens eux-mêmes ne se rendent plus compte de l’égalité fondamentale entre chaque humains et recherchent, pour eux-mêmes une catégorie flatteuse tout en rejetant ce qui ne leur ressemble pas dans divers purgatoires plus ou moins nauséabonds...
Parfois, mais, finalement, assez rarement, si un pouvoir est intelligent, il œuvre dans l’intérêt de tous et en particulier dans l’intérêt des citoyens les plus fragiles. Mais, parce que l’ego gouverne le plus souvent les dirigeants, ceux-ci ne peuvent pas faire autrement que d’avantager avant tout ceux qui les soutiennent dans leur soif de domination et ceux qu’ils reconnaissent comme étant des leurs ou tout au moins des castes intéressantes à divers titres.
Pour le reste, je ne reconnais aucun mérite aux pouvoirs qui se succèdent. Ils sont responsables, en tout premier lieu, des guerres qui, toujours à mes yeux, sont des crimes contre l’humanité. Ils en sont venus, au fil du temps, à créer des « lois de la guerre » pour tenter de montrer une image positive des conflits qui assassinent les humains. Comme si une guerre pouvait être honorable, utile, une sorte de style de gouvernement, une bonne chose, en sommes, dès qu’elle est encadrée de lois.
Au-delà du cas tragique des guerres, le pouvoir impose toutes sortes de lois. Parfois elles sont utiles, voire nécessaires. Mais parce que les dirigeants qui se succèdent veulent à tout prix laisser une trace dans l’histoire, ils multiplient les lois. Or, plus il y a de lois, moins il y a de liberté, plus il y a de dérives ne profitant qu’à de petits groupes, plus la vie devient lourde, étouffante.
La vie, par essence, est liberté. Plus il y a de lois, moins il y a de liberté et de vie. Cette vie, la nôtre comme pour toutes les espèces vivantes, doit être libre sans quoi elle dépérit et, parfois, meurt. Mettez un animal en cage, il dépérira ; ficelez une plante, elle mourra ; corsetez l’humanité dans les mailles touffues des lois, elle suffoquera et n’aura plus le moindre sens.
Pourquoi certains humains veulent-ils le pouvoir ?
Oui, pourquoi vouloir le pouvoir ? Pour être au service des citoyens ? C’est ce qu’on dit… Mais, pardonnez-moi, voilà une blague qui ne me fait pas vraiment rire (hormis les très rares cas où cette affirmation se vérifie).
Alors quoi ?
- Le besoin de briller, c’est évident ;
- Le besoin de dominer les autres, c’est une autre évidence ;
- Vouloir croire qu’on est le sauveur de la patrie, il y en a qui l’ont cru ;
- Vouloir s’enrichir ? Peu ont échappé à cela car on ne se maintient pas au pouvoir sans argent ni violence sous toutes ses formes, des plus subtiles aux plus brutales ;
- Laisser une trace dans l’histoire ? Peu y sont parvenus et les rares qui sont restés dans le souvenir de l’humanité, c’est plus souvent pour leur sauvagerie et leurs crimes.
Tout cela se résume en seul petit mot, l’un des plus petits, mais a la signification la plus lourde et la plus tragique pour l’humanité : l’ego !
Pour les gens de pouvoir, comme pour nous-mêmes, voilà l’ennemi qu’il nous faut combattre sans relâche. Il est, à n’en pas douter, à l’origine de la majorité des malheurs de l’ensemble de l’humanité et cela de tout temps, toutes époques.
Partant de cette constatation, la dérive de toujours, c’est d’imaginer que le pouvoir est une nécessité pour que, paraît-il, l’humanité avance ; c’est de croire, encore et encore qu’on ne peut pas s’en passer.Mais qu’en sait-on ? Rien ! C’est une affirmation qu’on cherche à nous imposer tel un dogme intangible, et l'on comprend bien pourquoi… L’humanité devrait donc avancer, mais avancer vers quoi ? Vers du mieux ? Compte tenu de l’intervention catastrophique de l’ego dans le jeu cruel et destructeur du monde politique (et dans quelques autres sphères des divers pouvoirs humains), imaginer du mieux grâce à ce monde-là équivaut à croire au Père Noël…
Être insoumis, c’est aussi, dans le respect de la vie et de l’intégrité physique et morale des adversaires, refuser l’ego, c’est rejeter l’orgueil !
À suivre…
Les trois premières parties

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