mardi 13 décembre 2011

Ich bin kein Berliner !


C’est la mode depuis quelques mois : pour bien faire, la France devrait tout faire comme l’Allemagne.
C’est simple : la France fait tout mal : nos salaires sont trop élevés (que Sarkozy et Fillon aillent l’expliquer en face à une famille de smicards), on ne travaille pas assez, on part en retraite trop tôt et on refuse la “TVA Sociale”. Résultat, pas de croissance, plein de chômage, une dette épouvantable, un triple A qui part en couilles, un commerce extérieur en déficit abyssal…
Merde alors. Tout ça à cause des 35 heures et de la retraite à 60 ans. Et moi qui croyais que c’était à peu près tout ce que les “socialistes” avaient fait de positif.
L’Allemagne, elle, n’a pas fait ce choix. En plus, depuis quelques années, il y a des ultralibéraux dans le gouvernement de Madame Merkel. Ce sont des gens pleins de bon sens, et il convient assurément de les écouter. A fortiori en période de “crise” : Es gibt keine Alternative, comme ils disent par chez eux.
Mais au fait, examinons un peu la situation chiffrée de ce fabuleux pays où tout marche tellement mieux que chez nous :
Considérons d’abord la population : 81 millions d’habitants contre 65 en France. Particularité, ce nombre diminue. En France, on continue à faire des gamins, pas eux. PIB : 3900 milliards de dollars, contre 2600 en France. Par habitant, ça fait 48000 contre 40000. Admettons. Les États-Unis c’est 47000. Et le Luxembourg près de 110000. Soit trois fois plus que la France. Serait-on trois fois plus heureux au Luxembourg qu’en France ? Bah, j’ai plutôt l’impression qu’on s’y fait trois fois plus chier, mais bon…
 Ah oui, mais l’Allemagne, c’est le plein emploi…
Mouais. Le libéralisme triomphant semble avoir une mission planétaire sacrée : cacher le nombre de ses chômeurs. Comme chacun sait, ou plutôt devrait savoir, le chômeur est un catalyseur indispensable au bon fonctionnement du système libéral : comme un corbeau mort accroché à un poteau est censé effrayer ses congénères, le chômeur famélique est un redoutable motivateur pour le travailleur qui sera prêt à tout accepter de peur de subir à son tour le triste sort. À cet effet, il convient de tout faire pour rendre l’indemnisation du chômage brève et insupportable, et à pourrir la vie des chômeurs à coups de monstres bureaucratiques comme notre sinistre “Pôle Emploi”.
Mais le chômage est tout de même le symbole de l’échec du système. Il convient donc d’en dissimuler l’ampleur, par toute une série d’artifices. Cela va de la radiation abusive au déclassement d’une partie des chômeurs dans la catégorie “malades” ou “handicapés”. Voire à la sortie arbitraire du système de ceux qui n’ont plus aucune chance de trouver un travail. Trop chômeurs pour être chômeurs, ça ne compte pas.
Il y a aussi un truc : il n’y a pas de SMIC en Allemagne. Ces dernières années, les boulots payés à des tarifs éhontés (Jusqu’à 1 euro de l’heure !) ) se sont multipliés, et il y a aujourd’hui 20% de “travailleurs pauvres”, cette grangrène libérale. Si en France le MEDEF arrivait à ses fins et à pouvoir payer un salarié 50 euros par mois pour être compétitif vis à vis du Vietnam, il est fort probable que le chômage diminuerait un peu…
Avec tous ces bémols et ces magouilles, alors oui, le “taux de chômage” est en Allemagne inférieur d’un tiers à celui de la France. Sauf que cela n’a pas la moindre signification réelle.

Bon, alors, qu’est-ce qui peut bien justifier cette admiration de nos dirigeants pour l’économie de ce pays ? La dette, peut-être ?
Encore raté ! La dette allemande, en valeur absolue, est même la plus forte de la zone euro. 1700 milliards en France, 1900 milliards en Italie… En Allemagne, c’est carrément 2000 milliards ! Bon évidemment rapporté au PIB, on revient légèrement sous celle de la France, mais si peu…. Surtout qu’il y a le deuxième étage de la fusée : le non financement des retraites, aggravé par une démographie défavorable. Une fois ces retraites prises en compte, la dette Allemande deviendrait abyssale, 7000 milliards d’euros. En valeur absolue, c’est près de la moitié de celle des États Unis. Rapporté au PIB, c’est au niveau de la Grèce !
Bon, ben… euh… Qu’est-ce qui lui reste, à l’Allemagne, pour justifier cette fascination. Heu… Ah, je sais ! La croissance ! Et ça, c’est important, hein, c’est l’alpha et l’oméga de l’économie, la croissance !
Voyez plutôt les “prévisions de croissance” pour 2012 faites par “l’agence de notation” (le thermomètre qui rend malade) Standard & Poor’s :
Allemagne 0.6 %, France 0.5%
Ah ouais, quand même… 0.1% d’écart… Et en 2013, le gouffre entre les deux pays serait de 0.2%… Très en dessous de la marge d’erreur…

Le “triple A”, on l’a déjà dans le cul. Mais l’Allemagne aussi…
J’avoue que je suis sidéré. On voudrait, de force, nous “aligner sur l”Allemagne”, au prix d’un massacre social sans précédent, pour un résultat… quasi nul. L’économie allemande est aussi pourrie que celle de la France, sinon plus. Madame Merkel, la nouvelle déesse de Sarkozy, a en fait été une gestionnaire catastrophique. Comme Sarkozy, elle a creusé la dette de manière insensée, avant de prétendre s’ériger en experte pour la résorber.
En fait, Sarkozy et Merkel s’utilisent l’un l’autre pour cacher leur propre incompétence et leur propre impuissance. Leur rendez-vous désormais plurimensuel de “sommet de la dernière chance” est parfaitement ridicule.

La finance a pris les rênes.
Tous les candidats à la présidentielle dotés par les médias-aux-ordres du label “sérieux” sont en état de prosternation devant les bansksters, et rivalisent d’obséquiosité pour rembourser cette dette inremboursable et indue, fruit de l’incompétence et l’irresponsabilité de ceux qui ont empêché les banques centrales de prêter de l’argent aux États et ont gravé cette félonie dans le marbre européen.
En guise de programme électoral, ils sont même réduits (Bayrou est à cet égard le plus pathétique) à promettre du sang et des larmes. “Françaises, Français : vous êtes pauvres ? C’est pas grave, vous allez l’être encore davantage, vous devez rembourser les banksters ! Es gibt keine Alternative !
Tout faux ! Car la seule solution pour survivre (nous en sommes là) consiste à dire non, et à briser le carcan qu’il nous ont imposé.

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