mardi 13 décembre 2011

Pourquoi les peuples ne se révoltent-ils pas ? …….

Bonne question!

Voilà un mystère dont les causes m’échappent. Depuis quelque temps, les pouvoirs politiques et financiers se moquent totalement des citoyens. Et comme si ces moqueries ne suffisaient pas, de plus, ils nous spolient à tour de bras, détruisant, un à un, les services publics par ailleurs si nécessaires à la vie quotidienne. Et, dans sa large majorité, le peuple reste les bras croisés, regardant passer les trains de mesures anti sociales et les plans de rigueur qui se succèdent, comme les vaches regardent passer les trains dans nos campagnes. 
Le pire, à mon sens, est que les politiciens, si liés aux mondes financiers ultralibéraux, détournent de plus en plus le sens de la vie de chaque individu. Nous ne sommes plus des humains, nous sommes des bouches à nourrir de trop, lorsque nous sommes chômeurs ou malades ou des outils de production à utiliser et user, avant de les jeter, selon la convenance, voire l’envie, du monde patronal. Je parle, là, essentiellement des entreprises de taille plutôt importante et des multinationales. Nous le savons depuis des années, les employés des entreprises, cette fois des petites aux gigantesques, dès qu’elles sont introduites en Bourse, ne sont plus que des « variables d’ajustement » selon les intérêts des spéculateurs de tous ordres. Par exemple Peugeot qui supprimerait environ 5000 postes de travail, mais va investir au Brésil et en Chine. Hormis quelques réactions plus ou moins violentes des personnes directement concernées, le peuple, lui, ne bouge pas. A la rigueur, il ronchonne un instant, histoire d’avoir bonne conscience, avant de repartir dormir dans son quotidien dont il ne se rend même plus compte de l’absence de sens.
Mais, que diable, pourquoi tant de gens acceptent cette vie absurde que quelques « puissants », politiques ou financiers, nous imposent, et de plus en plus lourdement ? Avoir le couteau sous la gorge est-il donc tellement plaisant ? Non, je ne comprends pas cette apathie généralisée… Sommes-nous donc devenus des peuples lâches ? Avons-nous donc oublié, nous, Français, que nous descendons de ce peuple fier qui fit la révolution et chassa du pouvoir les parasites et les rois ? Avons-nous également oublié que nombre de nos pères et grands-pères furent des résistants durant la dernière guerre ? Nous ne sommes tout de même pas tous les descendants de collabos !
Alors, pourquoi, par notre manque d’action, notre manque de révolte réelle et forte, collaborons-nous, désormais, à notre destruction par notre soutien aux politiciens qui n’ont que faire de notre pensée, de nos avis, et même de notre vie ?
Lorsque j’entends l’UMP affirmer que « L’éducation est devenue un enjeu de compétitivité, la guerre économique de demain », la colère me saisit en même temps que le dégoût. Cela vous plaît, vous qui me lisez, que vos enfants seront formés pour devenir, selon la volonté des « petits caporaux de Sarkozy », les soldats de la guerre qu’ils appellent de leurs vœux et des machines programmées pour la compétitivité ? Est-ce, là, la destinée dont vous rêviez et rêvez peut-être encore pour vos filles et vos garçons ? Acceptez-vous donc si facilement que l’âme de vos descendants ne devienne pas autre chose qu’outils d’enrichissement de quelques groupes sans morale ?
Mais comment ne vous révoltez-vous pas ? Comment se fait-il que vous ne vous leviez pas en masse pour crier votre dégoût et votre colère à la face de ces dirigeants indignes ?
Comment pouvez-vous accepter, sans rougir jusqu’au plus profond de votre âme « l’allégeance au drapeau », voulu par l’UMP, cette allégeance qui n’est rien d’autre que de vendre son âme et son corps pour servir de chair à canon lors des prochaines guerres, celles que le monde capitaliste plus dévoyé que jamais nous prépare pour sortir de son cinglant échec ?
La vie, notre vie, ne doit en aucun cas se résumer à être une « utilité » pour entretenir une économie dont nous ne profiterons pas ! Vivre, vivre vraiment, c’est tout autre chose. Vivre, c’est avoir la possibilité de nous exprimer librement, de créer et de résister, de toutes nos forces, contre ceux qui veulent faire de nous de minables instruments pour servir leurs intérêts ! Pourquoi nos politiciens au pouvoir veulent faire de nos écoliers et étudiants des « enjeux de compétitivité » et sacrifient l’essentiel de la part culturelle et créatrice qui seules peuvent faire de nos enfants de véritables humains ? La réponse est si simple. Nous devons être « utiles » ou crever ! Vivre vraiment, intensément, c’est être des citoyens debouts, jamais des esclaves d’un système totalement corrompu !
Rien d’autre n’explique, à l’heure actuelle, les attaques odieuses contre les chômeurs, les malades et les pauvres. (Voir l’infâme discours de Sarko à Bordeaux). Tous ceux-là, et dans notre pays on peut les estimer à environ huit millions de citoyens rien que pour les plus pauvres, ne rapportent rien ! N’est-ce pas horrible comme terme s’agissant d’humains ? Aux yeux du pouvoir, ce sont des bouches inutiles à nourrir, une charge pénible pour les intérêts qu’ils servent si fidèlement. Ne cherchez pas ailleurs les mesures proposées par la très mal nommée « droite sociale » : Réserver une large part des logements sociaux à ceux qui travaillent, comme si les chômeurs avaient choisi leur sort maudit ; obliger les même chômeurs à travailler pour rien ou presque, parce qu’ils ne rapportent rien et, par définition, dans l’esprit étriqué de la droite sociale, tous ceux-là sont des « flemmards » ; contrôler et verbaliser les malades que, bien entendu, on assimile automatiquement à des gens qui ne veulent pas travailler ; rétablir le STO (service du travail obligatoire) pour les bénéficiaires de la minable allocation RSA, peut-être pour faire plaisir à miss Merkel ! A quand les « stalags » pour pauvres, malades et chômeurs ?
En dépit de ces attaques plus qu’odieuses, je n’entends guère de citoyens s’élever contre ces mesures que je juge, pour ma part, criminelles. Qu’attendent-ils pour se révolter, qu’ils soient, à leur tour, touchés, jugés, condamnés ? Car c’est bien ce qui leur arrivera dans un délai plus ou moins bref. C’est incontournable. L’ogre financier a besoin de se nourrir au chômage dans les pays encore, et très provisoirement, riche, ce drame qui lui rapporte tant ! Il y a suffisamment d’humains, en Chine, en Inde, au Brésil, et dans tant d’autres pays dont les citoyens n’ont rien, pour que ceux-là acceptent l’esclavage et donc acceptent de nourrir pour rien les monstres qui nous gouvernent quitte à en mourir à force d’être abominablement exploités.
Une lueur d’espoir ?
Cette apathie du peuple me fait penser que la crise ne se situe pas seulement au niveau économique et politique. Après plusieurs décennies de société de consommation, de domination des esprits par la publicité, de propagande politicienne de plus en plus abusive, ceux qui ont sucé à ce biberon mortel, ne sont plus capables de se lever, de résister, ni même de réfléchir pour tenter d’être lucides.
Par contre, le mouvement des Indignés, qui s’est réveillé dans de nombreux pays, est à mes yeux une espérance. Comme lors de toutes les époques de crise de croissance de l’humanité, nombre, mais pas tous, de personnes un peu plus âgées, n’ont plus la force ou le courage de lutter. Il y a les « vieux humains » (dans le sens de l’esprit bien plus que du corps), ce groupe dans lequel je place la plupart des politiciens et spéculateurs, ces gens avides de pouvoirs et de fortunes, mais également les esprits gâtés par l’abus de consommation et l’ultra besoin de sécurité, et il y a les « jeunes humains » (encore une fois indépendamment de leur âge), tous ceux qui refusent les diktats du « vieux monde », les lois morales imposées, les lois du travail selon la vision des capitalistes les plus rétrogrades, tout ce système conçu pour l’écrasement de l’humain au bénéfice de quelques-uns.
Le mouvement des Indignés n’arrivera peut-être pas à changer le monde, pas tout de suite, en tout cas. Mais il est précieux par le fait qu’il est un exemple et plus encore parce que beaucoup de jeunes, dans un nombre important de pays, prennent conscience de l’absurdité folle qu’est la société qu’on nous impose. Je crois que ce réveil des « Indignés » correspond à une sorte de loi de nécessité de la vie. Ils peuvent, eux, changer l’ordre des choses. Ils peuvent devenir l’espérance du monde, pour autant qu’ils abandonnent, pour eux-mêmes déjà, les standards de la vie prétendue moderne. Ceux-là tiennent dans leurs mains l’avenir du monde, notre avenir, parce qu’ils se sont levés, parce qu’ils résistent. Ils peuvent ouvrir les yeux aux peuples endormis, déjà prêts à être livrés au fascisme des financiers.
Un immense besoin de liberté et de vérité souffle enfin sur le monde. Les excès du capitalisme financiarisé, on peut déjà parler de crimes contre l’humanité lorsque ces monstres spéculent sur l’alimentaire ou l’eau, précipitent ce besoin et le rendent nécessaire. Saurons-nous en ressentir les effets, nous aussi, en France ?
Que faire, à notre niveau si, pour toutes sortes de raisons réelles, nous n’avons pas la possibilité de participer aux résistances en cours ? Le plus urgent, je le crois puissamment, c’est d’avoir la volonté de s’écarter volontairement des sources d’informations officielles ; les journaux télévisés ; les émissions politiques avec leurs experts certifiés « conformes au système », nombre de quotidiens, comme par exemple la Pravda-Figaro. Il n’y aura aucun changement dans ce pays, tant qu’une dizaine de millions de Français écouteront les discours creux et les fanfaronnades de Nicolas Sarkozy ou de ses ministres. Ils savent endormir le peuple ! Cela fait partie de leur métier ! Ne vous laissez plus piéger ! Il existe, aujourd’hui, suffisamment de médias alternatifs en qui l’on peut avoir confiance pour se former politiquement et réacquérir une citoyenneté réelle et indépendante.
Casser, par refus de l’écouter, le système médiatique, est facile et d’une efficacité redoutable. Retrouver notre liberté et notre capacité d’esprit critique, passe obligatoirement par là. Il n’y aura pas de révolte réelle sans liberté, particulièrement la liberté de l’esprit.
Jean Dornac
Paris, le 16 novembre 2011
Essai de réponse à cette question.
La question posée est une des questions les plus perturbantes qui soit aujourd’hui dans le domaine politique et social.
Inutile de revenir sur la situation actuelle – parfaitement décrite par Jean DORNAC dans son article – reste l’interrogation.
Toute réflexion faite, il n’y a là rien de surprenant et de nouveau.
LES LEÇONS DE L’HISTOIRE
1er constat : si l’on analyse l’évolution des systèmes économiques et politiques, le rythme, à l’échelle humaine, est extrêmement lent.
2e constat : ce n’est pas parce que la situation est insupportable que le changement a lieu.
3e constat : de manière générale, le nouveau système qui émerge a commencé à fonctionner, sous forme embryonnaire, dans le système dominant.
4e constat : il n’existe pas de « thermomètre », d’appareil de mesure, permettant de prévoir le moment du changement.
C’est la conclusion à laquelle je suis parvenu pour essayer de comprendre comment se font les changements dans l’Histoire.
Si cela est exact, ça explique bien des choses aujourd’hui. Mais tout cela mérite quelques explications.
ACCEPTATION ET RÉVOLTE
Un système économique est composé de relations sociales, c’est-à-dire d’une manière dont les hommes sont organisés pour produire et distribuer les richesses.
La spécificité de ces rapports sociaux fait la caractéristique du système – aujourd’hui c’est le rapport salarial qui domine. Ces rapports sociaux se sont construits au cours de l’Histoire à partir de conflits et de rapports de forces.
Ces rapports sociaux sont confortés par tout un environnement administratif, juridique, politique, idéologique qui les stabilise, les perpétue et même les justifie. L’ensemble de la population « baigne » littéralement dans une atmosphère culturelle – au sens large – qui justifie la situation présente. Tout est fait, et les autorités en sont garantes, pour que le système se pérennise. Tout ceci contribue à installer une passivité, voire une fatalité qui fait accepter la situation présente. Certes, des conflits existent, des protestations, des révoltes, mais, même si elles sont importantes, ce ne sont quasiment jamais elles qui aboutissent à un changement de système.
La contestation est canalisée. Pour cela tout est bon : le père, Dieu, le chef, la patrie, le clan, la tribu, le peuple, la République,… au choix.
L’acceptation de la situation présente est une garantie de stabilité, même pour celles et ceux qui sont les plus défavorisés, d’une part parce que la justification idéologique fonctionne : « accepte ta situation, tu seras satisfait au centuple au Paradis » ou plus moderne : « ce sont des lois – économiques – naturelles auxquelles nous ne pouvons que nous soumettre ». Garantie de stabilité d’autant plus importante que l’on ne sait pas trop quoi mettre à la place du système existant : « Bon d’accord tu contestes le système, mais que mets–tu à la place ?».
D’autre part même si les plus opprimés se révoltent, ce ne sont jamais eux qui procèdent au changement. Exemple : les esclaves de l’Antiquité, les paysans du système féodal,… les ouvriers dans le capitalisme qui devaient le renverser au début du 20e siècle suivant le « schéma standard ».
Tout cela pour dire que la « passivité » du peuple n’est pas un fait nouveau. Même si l’on prend le cas de la période 1940-44 en France – je te trouve bien optimiste Jean sur cette période – le nombre de résistants était infime et le plus grand nombre croyait que Pétain avait « sauvé la France ». Les masses qui applaudissaient Pétain en Juin 1944 étaient les mêmes que celles qui applaudissaient De Gaulle en Août de la même année ( ?).
UNE SITUATION BLOQUÉE
La situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui est bloquée. Bloquée par le discours trompeur des politiques – quelle que soit la couleur – qui nous font croire que la situation nous est imposée et que seule la rigueur peut « nous sauver ». Ça les gens le croient – la preuve, ils vont revoter pour les mêmes individus.
C’est de l’ordre de la croyance, de la foi… de même que les paysans du Moyen Age croyaient à ce que racontaient les religieux. Ils croient aussi qu’en changeant le personnel au moment des élections, ils vont faire avancer la solution des problèmes,… ce qui est évidemment faux. Mais le martèlement idéologique (aujourd’hui les médias, hier l’Eglise) arrive à conditionner les consciences.
La solution est ailleurs, en dehors des institutions. Se heurter de face au système, comme le font les « indignés » est certes héroïque et respectable mais totalement inefficace… le mouvement se délite, s’essouffle et va disparaître… il n’a aucune prise sur la réalité.
Je pense que la solution réside dans la mise en place de structures alternatives qui montrent que l’on peut fonctionner autrement et qui relativise la portée sociale du système dominant – je ne développe pas ici, j’ai suffisamment écrit là-dessus. L’exemple de la Bourgeoise est significatif à cet égard : elle a miné l’Ancien Régime économiquement avant de s’emparer du pouvoir.
Un tel processus ne se fera pas spontanément, c’est un travail de longue haleine, mais c’est je pense la seule issue qui nous reste.
Patrick MIGNARD

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