mardi 20 décembre 2011

Resister a la destruction de la démocratie par las élites financières


Cinq façons par lesquelles les élites financières détruisent la Démocratie

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La démocratie est-elle compatible avec un système financier dirigé par les milliardaires ? Peut-être pas. Voici cinq façons par lesquelles la haute finance sape la démocratie :

1. Les milliardaires remplacent une personne, une voix.

Demandez à n’importe quel Américain ce qui ne va pas dans notre pays et il vous dira que c’est le fait que l’argent détermine la politique. Et il a raison. Il est évident que les donateurs politiques importants et les lobbyistes pour le compte des super-riches ont plus d’influence politique que nous. Dans la mesure où un pour cent de la population gagne de plus en plus de revenus de la nation, les quatre vingt dix neuf autres pour cent deviennent de fait privés du droit électoral. Et évidemment, les décisions de la Cour Suprême facilitent davantage la possibilité pour les plus riches d’acheter le pouvoir politique. Les contributions financières de campagnes électorales biaisées par et pour les super-riches tournent les élections en farce. En 2010, par exemple, les financiers ont contribué plus que l’industrie dans un rapport de 14 à 1.
DONACIONES POLITICAS, 2010
Empresas Sindicatos

2. La bourse exerce un droit de veto immédiat.

Pratiquement chaque décision économique dans notre démocratie est soumise maintenant à un veto immédiat de la bourse. La première question que se posent la Maison Blanche et le Congrès avant de prendre une décision politique est « Comment les marchés réagiront-ils ? » Quand la Chambre des Représentants a rejeté la première facture de renflouement du programme TARP [1] le 29 septembre 2008, la bourse a fait une chute record de 777 points. Après qu’il ait été adopté, les marchés ont été « calmés ».
Maintenant, le New York Times indique que si l’accord du Supercommittee (Comité Mixte sur la Réduction du Déficit, NdT) n’est pas validé avant la date limite de Thanksgiving, les marchés ne seront pas satisfaits : certains craignent qu’un tel échec pourrait mener à une sorte de dérapage de la bourse et à la perte de confiance des investisseurs qui a accompagné les efforts orchestrés pour relever la limite de la dette fédérale plus tôt cette année.
Mais que renferme « la confiance des investisseurs ? » Qui fait plonger les marchés financiers en l’affaire de quelques instants ? Et bien, ce n’est certainement pas ceux d’entre nous qui placent leur quatre sous sur le net dans nos « 401ks » [2] . Ce ne sont pas non plus nos fonds de pension, si lents. Ce sont plutôt les agences des propriétaires de grandes banques et les groupements géants de hedges funds  [3] non régulés. Ces joueurs de grande envergure ont un sens très vif de leurs propres intérêts personnels. Ils ont fait clairement comprendre au Supercommittee qu’ils veulent une réduction massive de la dette pour 1) que leurs obligations et leurs mises conservent leur valeur ; et 2) qu’ils n’aient pas à payer plus de taxes sur leurs scandaleux profits.
En raison de la distribution faussée des revenus, ces manipulations d’argent ont d’énormes impacts sur les marchés et donc aussi sur nos « 401ks ». Quand elles tirent les marchés vers bas, nous le sentons aussi. Ils nous prennent en otage et comptent sur nous pour souffrir du Syndrome de Stockholm financier – que nous suivrons la même pente que nos ravisseurs financiers. Les élites financières savent que nous conseillerons probablement à nos politiciens d’éviter n’importe quels choix qui pourraient entrainer une chute des marchés.

3. Le gouvernement n’est pas autorisé à mettre en place une économie de plein emploi.

Le crash de Wall Street a tué 8 millions d’emplois en l’espace de quelques mois. Il faudra maintenant plus de 20 millions d’emplois pour que nous retrouvions le plein emploi (défini comme un taux de chômage inférieur à 5%.) Au taux de progression actuel, il faudra presque une génération pour y arriver. C’est intolérable.
NUMERO DE DESEMPLEADOS (millones)

Pourquoi ces emplois ont-ils disparu ?
À moins que vous n’ayez été aveuglés par l’idéologie, il est évident que le crash de Wall Street a tué la demande nécessaire à l’économie. Sans cette demande, ni crédit ni investissement. Ce n’est pas sorcier. Avec un chômage aussi haut, les consommateurs n’ont pas le ressort économique pour produire cette demande. La réponse évidente est que le gouvernement intervienne pour remettre les gens au travail. Il faut que le gouvernement dépense de l’argent – même s’il doit s’endetter davantage – pour créer des emplois dans le secteur public et investir dans des programmes nécessitant de l’embauche comme les économies d’énergie, l’enseignement supérieur, les travaux d’infrastructure et autres. Nous avons besoin d’un ensemble important de programmes pour créer le plein emploi – qui est censé être l’objectif clé de notre économie.
Pourquoi ne le faisons-nous pas ?
Ce ne sont pas seulement les républicains qui font obstacle. Derrière eux se trouve une phalange d’élites financières qui rabâchent un mensonge absolu – que les emplois viendront de moins de dépense publique et de moins de régulation. Ils prétendent – et sans sourciller – que déréguler l’emploi créera plus de confiance dans les affaires, plus d’investissement et donc plus d’emplois. Ils refusent de reconnaître que c’est la dérégulation qui est à l’origine du crash. Au contraire ils inondent l’espace avec des pieuses déclarations sur la manière dont l’état doit réduire sa dette en faisant des coupes à tous les niveaux de l’état. Ils n’expliquent jamais comment c’est censé créer des emplois. Ils ne le peuvent pas. Parce que vous ne pouvez pas créer des emplois en supprimant des emplois.
Nos banquiers sont perspicaces. Ils craignent une économie bloquée par un manque de stimulation, donc ils demandent encore moins de stimulations. Pourquoi ? Parce que c’est une façon parfaite d’éviter le sujet des taxes sur les super-riches pour payer la création d’emplois pour plutôt parler des coupes à faire dans le grand et mauvais gouvernement état. Certains ont même l’aplomb de demander “la réforme fiscale” permettant de baisser encore plus les taxes sur les grandes sociétés super-riches.
Qu’arriverait-il si un gouvernement faisait pression pour obtenir vraiment le plein emploi ?
Les opérateurs de bourse provoqueraient une panique pour tirer les marchés vers le bas. Les politiciens courraient, effrayés, et vous resteriez sans emploi.

4. Les Hedge Funds spéculatifs remplacent des dirigeants élus par des technocrates.

Jetez juste un coup d’œil à la Grèce et à l’Italie. Dans les deux cas, les marchés financiers - pas les citoyens du pays - déterminent qui dirigera le pays et ce que ces dirigeants feront. Pour apaiser les marchés financiers et augmenter “la confiance des investisseurs” ces deux pays ont remplacé leurs gouvernements par des technocrates économistes qui sont censés passer par dessus la politique et remettre en ordre les finances du pays.
Mais pourquoi cela arrive-t-il maintenant ?
Parce que ces pays sont attaqués par de grands fonds spéculatifs qui essaient tant qu’ils le peuvent de créer des montages financiers pour en tirer profit. Cela s’appelle une attaque spéculative. Voici comment ça fonctionne. A la base, ces fonds spéculatifs essaient de provoquer une avalanche de ventes pour entrainer à la baisse la valeur des obligations d’un pays donné. (Quand la valeur des obligations baisse, leur taux d’intérêt monte.) Ils le font en trouvant une myriade de façons de jouer contre ces obligations. Ils peuvent vendre des obligations qu’ils possèdent. Ils peuvent vendre des obligations que d’autres possèdent, (shorting). Ils peuvent acheter de l’assurance contre défaut de paiement (CDS) pour parier contre les obligations. Et ils créent toutes sortes de combinaisons toxiques de ces possibilités en utilisant d’énormes masses d’argent emprunté pour amplifier leurs mises à la baisse.
S’ils le font correctement, toutes ces ventes font baisser le prix des obligations ce qui effraie à tour de rôle d’autres grands investisseurs comme les fonds de pension et les banques qui vendent leurs obligations aussi, tout ceci faisant encore baisser les prix. Plus les prix chutent, plus les hedge funds gagnent. Et nous parlons « de gagner » des dizaines de milliards par ce genre de raid.

Pendant ce temps, le pays impliqué voit grimper les taux d’intérêt qu’il doit payer sur la nouvelle dette . À un moment, ce pourcentage atteint le niveau clé – 7 pour cent – qui signifie qu’il ne peut pas rembourser toute sa dette. Ces hauts taux d’intérêt provoquent alors une plus grande panique puisque les détenteurs d’obligation se dépêchent de les vendre avant que ne soit déclaré un défaut de paiement (ou comme dans le cas de la Grèce, avant qu’ils n’acceptent « volontairement » une réduction de 50 pour cent de la dette – une « coupe ».)
(Dans le cas où vous auriez un doute à propos de ces raids, regardez le graphique ci-dessus. Le saut dans les taux d’intérêt n’est pas survenu à cause de nouveaux développements en Italie. Les écarts ont été provoqués par les raids de hedge funds.)
Si les dirigeants des hedge funds ont vraiment de la chance, la panique qu’ils provoquent peut se transformer en ce que la presse appelle « la contagion » - la propagation de la crise à un autre pays. Cela arrive parce que de grandes banques dans les pays comme la France détiennent beaucoup d’obligations grecques et italiennes. Ainsi si l’Italie risque le défaut, il en va de même des banques en France, ce qui signifie que la France devra tirer d’affaire ses banques, ce qui signifie que les obligations de la France sembleront plus faibles et ses taux d’intérêt monteront, conduisant à un nouveau raid spéculatif des hedges funds sur les obligations françaises. Et il en va ainsi avec chaque nouvelle crise menant à plus de profits pour les hedges funds qui provoquent les paniques.
Pour arrêter ces attaques de hedges funds, les pays n’ont qu’un seul choix – faire tout ce que la haute finance dit. Et ce que la haute finance veut est très simple – découpez et réduisez en cendres tous vos programmes sociaux pour que vous puissiez rembourser vos prêts – vous nous avez emprunté de l’argent, maintenant vous devez nous rembourser même si cela veut dire appauvrir vos populations. Pour y parvenir, les élites financières veulent que les politiciens « réguliers » soient remplacés par des technocrates comme cela vient d’arriver en Italie et Grèce. Mais par dessus tout, ce qu’ils veulent c’est voir ces réductions.

5. Les marchés financiers interdisent la Sécurité Sociale.

Le programme démocrate le plus populaire dans l’histoire américaine est sans doute la Sécurité Sociale. Tout le monde cotise et chacun en reçoit une retraite définie – que l’on soit riche ou pauvre. Les républicains ont essayé de le détruire pour au moins une génération, mais le peuple américain a exprimé à plusieurs reprises sa volonté démocratique dans le plein soutien du programme.
Mais les élites financières ont aussi la Sécurité Sociale en travers de la gorge. Ils nous disent que nous ne pouvons plus nous le permettre. C’est trop généreux. Nous vivons trop longtemps et les pensions sont trop importantes. Cela va mener le pays à la faillite.
Pourquoi nous ne pouvons pas nous le permettre ? Parce que nous avons contracté d’énormes dettes pour sauver l’économie du crash provoqué de Wall Street. Parce que nous plafonnons les taux d’imposition à 105.000$ de revenu au lieu de faire davantage payer les riches. Parce que les super dirigeants paient en général de moins en moins d’impôts.
Peu importe. Les élites financières ont l’écoute des deux partis de sorte que même le Président Obama, censé être un démocrate libéral, a fait ce qu’aucun démocrate n’avait jamais fait – il a mis la Sécurité Sociale sur la table pour négocier une importante réduction de déficit.
Mais voici la grande affaire que Wall Street veut vraiment et ils ont l’intention de l’obtenir peu importe pour qui nous voterons. Pour "sauver" la Sécurité Sociale nous serons poussés vers les comptes d’investissement privés – le rêve de Wall Street. Imaginez le pays tout entier payant de grasses cotisations à Wall Street pour investir l’argent de notre Sécurité Sociale. On nous dira que nous pouvons sauver la Sécurité Sociale uniquement si on abandonne l’idée de la pension fixe. On nous vendra le miracle d’investir de l’argent nous-mêmes – évidemment avec l’aide des fiables conseillers en investissement de chaque banque renflouée dans le pays.
Les élites financières remplaceront-elles la démocratie ?
C’est arrivé auparavant. Quand la ville de New York fut à deux doigts de faire défaut en 1975, l’ « Emergency Financial Control Board » (Autorité de Contrôle Financier D’urgence) a été mis en place pour écarter les politiciens de l’autorité financière. Imaginez ce qui pourrait arriver si Washington poursuit sa voie vers un blocage /une impasse et si le peuple américain renonce complètement à ses représentants élus. Imaginez si la dette américaine est rétrogradée par nos saletés d’agences de notation de Wall Street. Imaginez si le chômage monte encore et que des émeutes éclatent dans les rues. Ne serait-il pas possible pour le Supercomité du Congrès de se transformer en Super « Emergency Financial Control Board » dirigé par de gentils investisseurs et des chefs d’entreprise du genre d’un Warren Buffet ? Le fait d’avoir un empereur financier bienveillant ne semble t-il pas une alternative plus « pratique » plutôt qu’un système démocratique dysfonctionnant ?
Nous n’en sommes pas encore là mais nous en prenons le chemin … à moins que nous ne réduisions radicalement le pouvoir et la richesse de nos élites financières.
La menace à la démocratie n’est pas inconnue en Amérique. Le Président Andrew Jackson a identifié la menace que les banquiers ont posé à notre jeune démocratie quand il a interdit la Banque nationale en 1832. Voici un petit extrait de son message de veto :
|« Il est regrettable que les riches et puissants détournent trop souvent les lois du gouvernement à leurs fins égoïstes. …. Dans la pleine jouissance des cadeaux du Ciel et des fruits de notre industrie supérieure, de notre économie et de la vertu, chaque homme a droit de manière égale à être protégé par la loi ; mais quand les lois entreprennent d’ajouter à ces naturels et justes avantages, des distinctions artificielles pour accorder des titres, des gratifications et des privilèges exclusifs, de rendre les riches plus riches et les puissants plus puissant, les humbles citoyens - les fermiers, les mécaniciens et les ouvriers - qui n’ont ni le temps, ni les moyens d’obtenir ces même faveurs, ont le droit de se plaindre de l’injustice de leur gouvernement. »|
Les Leopold
Título original  : « Five Ways that Financial Elites are Destroying Democracy »
AlterNet, le 21 de noviembre de 2011
* Les Leopold est le directeur exécutif de l’Institut de Santé publique et de l’Institut de La main-d’œuvre à New York et l’auteur de « The Looting of America : How Wall Street’s Game of Fantasy Finance Destroyed Our Jobs, Pensions, and Prosperity—and What We Can Do About It (Chelsea Green, 2009) ». (« Le Pillage de l’Amérique : comment le jeu de fantasme de la finance de Wall Street a détruit nos emplois, nos pensions et notre prospérité — et ce que nous pouvons faire avec cela » )
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Traduit de l’anglais pour El Correo par : Gérard Seine

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