mercredi 22 février 2012

La santé sous de mauvais auspices, du ticket modérateur à la TVA sociale

Par Mathieu Dejean| 23 février 2012
 
Chronologie d’une dérive.

1982,

le gouvernement lance un « programme de médicalisation des systèmes d’information » (PMSI). Sous l’acronyme énigmatique, l’hôpital-entreprise en gestation, importé directement des États-Unis. Il convertit les actes médicaux en une unité de valeur commune, le point ISA (indice synthétique d’activité). L’État peut connaître la productivité d’un service. Il lui faut des soignants « efficients », des patients « rentables ». La novlangue néolibérale s’impose. C’est un ministre…communiste, Jack Ralite, qui lui a ouvert les portes de l’hôpital.

1997,

un hôpital moins productif en points ISA peut être sanctionné par une baisse de 1% de son budget. Plus la durée de séjour d’un patient est courte, plus il rapporte de points ISA et donc d’argent à l’hôpital. Les durées de séjour sont donc progressivement commandées par la variable temporelle du PMSI. C’est la chaîne fordienne appliquée à l’hôpital.

2004,

le ralentissement de la croissance, l’augmentation du chômage et du coût des soins (du fait des progrès de la médecine) ont creusé le « trou de la Sécu » depuis 1973. Mais le gouvernement a trouvé un coupable : c’est la gratuité de la santé et les abus des assurés sociaux ! Sa solution ? « Responsabiliser ». Douste-Blazy augmente la CSG (créée par Rocard en 1990) ainsi que le forfait hospitalier, fixe un ticket modérateur d’un euro pour toute consultation, et légalise les dépassements d’honoraires.

2005,

la « tarification à l’activité » (T2A) s’étend progressivement. Le budget d’un hôpital est désormais attribué en fonction de son « activité » estimée par son nombre de points ISA. Le malade doit entrer dans un GHM (Groupe homogène de malades) auquel correspond un « tarif » indépassable sous peine de déficit pour l’hôpital. Les malades atypiques, coûteux, sont exclus. Les urgences héritent de problèmes sociaux qui n’ont pas trouvé de solution ailleurs.

2008,

la loi de financement de la Sécurité sociale augmente les contributions des patients. Elle met en place une franchise (non remboursable par les mutuelles complémentaires) sur les médicaments (50 centimes par boîte), les transports sanitaires (2 euros) et les actes paramédicaux, avec un plafond de 50 euros par patient et par an.

2010,

la responsabilisation va bon train. Le gouvernement instaure un droit annuel d’entrée de 30 euros pour les bénéficiaires de l’Aide médicale d’État (AME). Une entrave de plus aux soins, auxquels 9 millions de personnes ont renoncé en 2008 pour des raisons budgétaires.

2011,

le « Programme d’accompagnement du retour à domicile » (Prado) est expérimenté, et devrait être généralisé en 2012. Le principe ? Renvoyer au plus tôt les jeunes mamans des maternités après accouchement. Qu’elles restent deux ou huit jours, avec la T2A, le forfait est le même : 2 200 euros par accouchement. Le calcul est vite fait !

15 novembre 2011,

Sarkozy traque la fraude sociale. Le gouvernement annonce un quatrième jour de carence pour les salariés du privé en arrêt maladie, et un jour de carence pour les fonctionnaires.

Janvier 2012,

cette fois, c’est décidé, le gouvernement veut mettre en place une TVA sociale. L’idée titillait déjà Balladur en 1994, elle a depuis fait son chemin. Il s’agit d’augmenter la TVA pour financer la Sécurité sociale, tout en baissant les cotisations sociales payées par les employeurs. On entend déjà le rot de satisfaction du patronat, un signe de bonne santé.
Source: Regards

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