mercredi 7 mars 2012

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Think tanks
Un concept "made in USA"
Aux Etats-Unis, où ils ont vu le jour, les think tanks ont pignon sur rue depuis longtemps. En France, le pouvoir de ces institutions se renforce. (avril 2004)
 

Michel Bon (Institut de l'Entreprise)
François Dupuy (L'Ami Public)
Les think tanks les plus influents
Kezako ? Il faut bien l'admettre, l'expression anglo-saxonne "think tank" conserve en France un caractère obscur. Interrogés sur le sujet, 79 % des lecteurs du Journal du Management admettent ne pas savoir ce qu'il se cache derrière cette formule, à la connotation militaire. La traduction livrée par Le Robert & Collins permet d'en appréhender quelque peu le sens. Selon le dictionnaire, le think tank est un "groupe d'experts". Soit. Reste à savoir qui sont ces experts, et ce qu'ils font.


Le pouvoir d'influence des "think tanks" est...
79.1%
Un think quoi ?
11.4%
Important
9.3%
Négligeable

Sondage en ligne réalisé en mars 2004 auprès de 149 lecteurs du JdM
Pour le comprendre, il faut traverser l'Atlantique. Des think tanks, ou "réservoirs à pensées", les Etats-Unis en comptent aujourd'hui plus de mille cinq cent. Ces institutions privées, a priori non partisanes, sans but lucratif et indépendantes, jouent un rôle majeur dans la vie publique, économique et politique américaine. Tour à tour, ces institutions planchent sur l'éthique dans le monde de l'entreprise, la réforme de la sphère publique, la politique énergétique, les rapports Nord-Sud ou encore l'éducation. Financés par des fonds publics, des entreprises ou des particuliers, les think tanks "regroupent des patrons, des universitaires, des chercheurs qui réfléchissent ensemble sur un point précis dans le but d'atteindre un objectif", explique Christian Harbulot, directeur de l'Ecole de guerre économique.
Les think tanks ne se limitent donc pas à la "pensée". Ces clubs de réflexion, où se côtoient des leaders d'opinion, s'appuient en général sur des études, des rapports ou des événements (forums, séminaires...) pour diffuser leurs idées auprès des responsables politiques, avec des visées très claires. "La réflexion débouche sur l'action et doit mener à des résultats, par exemple un projet de loi", confirme Christian Harbulot. Une forme de lobbying en douceur et en profondeur avec pour principe de base : l'union fait la force. Aux Etats-Unis, chaque grand patron, chaque ponte universitaire, ou presque, est membre d'une telle institution.
L''importance de la production de connaissances"

Christian Harbulot, Ecole de guerre économique
Les premiers think tanks ont vu le jour aux Etats-Unis au début du siècle dernier. Puis, à la fin des années 40, est née la Rand Corporation, le think tank américain le plus connu et le plus important. Créé en pleine guerre froide, il est spécialisé en stratégie militaire. "Dans la course à l'armement, explique Christian Harbulot, les Américains se voyaient distancés par les Soviétiques après la deuxième guerre mondiale. Ils ont alors compris l'importance de la production de connaissances, bien avant la société de l'information, en créant la Rand Corporation."
En 2000, ce think tank, qui emploie plus de 1 000 personnes, a reçu près de cent cinquante millions de dollars de financement publics et privés. Militaires, universitaires, industriels de l'armement y travaillent main dans la main pour produire des rapports qui sont lus avec grande attention à Washington, et dans toutes les capitales occidentales. Des rapports qui conditionnent bien souvent les choix opérés en matière de politique étrangère ou de programmes militaires. Des enjeux qui se chiffrent en milliards de dollars.
Dans le sillage de la Rand Corporation, la formule du "club de réflexion" va faire tache d'huile dans l'univers civil. La Brookings Institution, le Conference Board ou l'American Enterprise Institute sont autant de think tanks qui vont jouer des rôles clefs Outre-Atlantique. Ces "réservoirs à pensées", et plusieurs dizaines d'autres, mèneront des actions pour faire évoluer la fiscalité, pour favoriser la dérégulation de certains marchés, ou développer les échanges commerciaux avec certains pays.
Les think tanks français se créent aussi à partir de figures de proue"
En France, le phénomène des think tanks est plus récent, mais prend de l'ampleur depuis le début des années 1990. Chefs d'entreprise et experts français s'associent pour créer leur "club", le plus souvent sous la forme d'une association loi 1901, la législation française ne permettant pas l'existence d'institutions privées à l'américaine. Mais si ces organisations ont un fonctionnement différent en France, leurs objectifs restent les mêmes que leurs homologues américaines.
Sur le modèle américain, les think tanks français se créent à partir de figures de proue. C'est le cas de Confrontations Europe (voir la fiche), fondé en 1991 par Philippe Herzog (ancien membre influent du Parti Communiste), Jean Peyrelevade (ancien président du Crédit lyonnais) et Michel Rocard. Même principe avec l'Ami Public (voir la fiche), un think tank fondé par Christian Blanc, l'ancien PDG de la RATP et d'Air France.
Michel Bon (Institut de l'Entreprise)
François Dupuy (L'Ami Public)
Les think tanks les plus influents
Ces think tanks à la française publient des rapports sur des sujets aussi variés que l'Europe économique, le rôle de la police nationale ou la transparence financière. Mais un thème leur tient aujourd'hui à coeur, un thème sur lequel la plupart de ces clubs s'activent : la réforme de l'Etat. "Le pouvoir des thinks tanks avance par vague, à chaque fois que l'environnement politique et économique est instable, note Christian Harbulot. Ils sont nés pendant la première guerre mondiale, ont pris de l'ampleur après la deuxième guerre puis lors des chocs pétroliers des années 70. Quand le pouvoir politique navigue à vue, les think tanks s'imposent comme des contre-experts."

Source: Le Journal du Management

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