dimanche 5 août 2012

De la démocratie dans le Parti de Gauche. Des vessies et des lanternes de Jennar
de : Antoine (Montpellier)
dimanche 5 août 2012 - 17h34/ Bellaciao
Alors que les feux de l’actualité se portent sur la frénésie sportive du côté de Londres en mettant sous l’éteignoir les dernières braises du débat électoral, voilà Raoul-Marc Jennar qui nous ramène, en retour de flamme politique, son De l’engagement. Les raisons d’une adhésion. Rien à redire sur le choix en lui-même d’adhérer à un parti, en l’occurrence, le Parti de Gauche (PG), choix qui se donne à lire à partir d’ un grand saut dans le temps puisque sont convoqués, pour donner du corps (et de l’esprit) au plaidoyer pro domo jennarien, rien moins que Socrate, Antigone, Démosthène, Cincinnatus ou encore Cicéron pour arriver à Jean-Luc Mélenchon en passant par les philosophes des Lumières, Jaurès et Gandhi (et quelques autres).
Il se trouve cependant que ce beau parcours personnel-citoyen où Raoul-Marc se nourrit de tant d’illustres penseurs, parfois acteurs, politiques au sens le plus large du mot, perd de l’altitude sur la fin pour finir par se crasher sur un postulat assez sidérant sur la nature démocratique du parti qu’il vient de rejoindre. Par association d’idées plus que par une argumentation claire posant son sujet, Raoul-Marc Jennar crédite le parti de Jean-Luc Mélenchon de répondre à son voeu de " servir la cause du [socialisme démocratique et de l’écologie] au sein d’un parti ouvert et démocratique, qui [...] entend se dépasser en permanence dans l’ouverture aux défis nouveaux et à celles et ceux qui en sont les pionniers" ! Le PG est ce "parti ouvert et démocratique", qui plus est, en dépassement permanent de lui-même vers plus de démocratie !
Disons-le tout net, Raoul-Marc Jennar prend des vessies pour des lanternes et ses lecteurs pour des imbéciles ! Reportons-nous un instant à ce qu’écrivent Lilian Alemagna et Stéphane Alliès dans leur ouvrage consacré à Jean-Luc Mélenchon, Mélenchon plébéien (Robert Laffont) et dont nous donnons ces quelques extraits traitant du sujet qui nous occupe :
"Pour la bonne marche du parti [le PG], tout est ultracentralisé. Plutôt raccord avec la vision républicaine et jacobine défendue par Mélenchon. Toute opposition radicale à la ligne tracée par la direction, donc initiée par Jean-Luc Mélenchon ou François Delapierre - "docteur en mélenchonisme", comme le qualifie le président du PG -, est priée de rester en dehors des instances de décision du parti. "Pas de fraction", dit Mélenchon. Pas de courants et pas d’opposition interne. Ainsi, dans les statuts adoptés au congrès du Mans en novembre 2010, il est dit que "la plateforme adoptée majoritairement par le conseil national est envoyée aux adhérent-es avec les plateformes alternatives qui obtiennent au moins un seuil de 20% des voix du conseil national". Autrement dit : aucun texte concurrent à celui de la direction ne peut concourir ou même être discuté lors d’un congrès s’il n’a pas reçu au préalable le soutien d’au moins 1/5 des responsables nationaux du parti ! Et comme les décisions du conseil national se prennent régulièrement à l’unanimité, apporter une parole différente au PG est compliqué... Si une telle mesure avait été appliquée au PS, jamais Mélenchon n’aurait pu présenter de motions dont les succès relatifs ont contribué à son ascension politique. Mieux, lui-même avait dénoncé en 2008 le projet au PS d’un seuil de représentation passant de 5 à 10%... "C’est cadenassage !" s’écriait-il alors.
Le président du PG ne veut rien qui puisse le gêner dans son avancée vers la reconstruction de l’"autre gauche" et sa candidature à la présidentielle. Dès qu’un dirigeant s’écarte de la ligne du chef et de ses lieutenants, il est marginalisé. Claude Debons a quitté le PG en juillet 2011. Jacques Rigaudiat n’est plus du tout actif. Marc Dolez reste en retrait, se contentant d’une stature de "sage". [...] L’économiste Christophe Ramaux, coordonnateur de la commission économique du PG, a lui aussi démissionné le 12 janvier 2011. Dans sa lettre d’explication, ce maître de conférences à Paris-I critique une formation politique qui "fonctionne comme un petit groupe "discipliné", qui a peur des débats, de l’expression de divergences. [...] Le résultat est là : un turnover étonnant avec beaucoup d’adhésions (le "menu" est effectivement alléchant), mais aussi beaucoup de démissions souvent résignées et silencieuses". [...] Verrouillage dans les statuts, maque de transparence... [...] "Il [Mélenchon] n’est pas loin de la ligne de l’OCI, observe en connaisseur, l’historien et ancien bras droit de Lambert [dirigeant historique de l’OCI] Benjamin Stora. Il faut qu’il contrôle tout, tout le temps, tout le monde... [...] Il a réussi à faire ce que voulait faire Lambert : une petite secte avec une façade ouverte !"
Voilà qui pourrait aider à rester dans le réel, loin des mystifications et mythologies sur la démocratie qui sont la plaie de la gauche, y compris celle qui se dit "l’autre gauche". Voilà qui pourrait aider à garder le cap d’une critique nécessaire du PG mais aussi du Front de gauche dont les contradictions et tensions internes ne peuvent cacher qu’il est un projet de captation et de détournement verrouillés de la radicalité contestataire, sociale et politique, au profit d’une aléatoire recomposition institutionnelle de la gauche. Avec toujours le PS en point de mire, que l’on s’allie (dans les collectivités locales) ou, provisoirement, pas (au gouvernement) avec lui, qu’on le houspille (Hollandréou) ou qu’on le câline ("nous sommes dans la majorité de gauche"). L’absence de démocratie dans le fonctionnement d’appareils du PG, mais aussi du FdG, a à voir avec ce projet tournant en boucle plus ou moins distendue suivant les opportunités autour du PS. Et les ficelles socratico-cicéroniennes de Raoul-Marc Jennar sont décidément trop grosses pour nous faire avaler sa pilule démocratico-mélenchoniste...

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