jeudi 26 mai 2011

Pouvoirs opaques de la "Trilatérale".

Le principal intérêt d’une commission comme la Trilatérale est de permettre à des personnes influentes dans différentes sphères de pouvoir de se rencontrer, de les faire discuter, et si possible, de parvenir à un consensus. A ce titre, la Trilatérale fonctionne exactement de la même manière que le groupe de Bilderberg. En « provoquant » ces rencontres, les organisateurs « poussent » des individus aux opinions a priori opposées à trouver un terrain d’entente, qui constituera le cadre des politiques menées dans les années suivantes. Du coup, en dépit des nombreuses divergences apparentes entre les membres du groupe, un consensus finit par se faire jour. Bien entendu, par sur tous les sujets. Mais lorsqu’il est atteint, il devient la ligne politique générale qui s’impose au plus grand nombre, en dépit des oppositions qui ne sont que de façade. Ce que confirme Hervé de Carmoy, évoquant les divergences entre deux membres français de la Trilatérale : « Monsieur Fabius peut dire qu’il est contre le nucléaire et la présidente d’Areva [Anne Lauvergnon] dire qu’elle est pour alors qu’elle a été nommée par les socialistes. Je veux dire que la réalité, c’est que sur les fonds du problème, il y a très peu de divergences. ». Le but de la Commission n’étant pas d’imposer des décisions par la force et de façon unilatérale, mais bien d’influencer les détenteurs du pouvoir visible.
                                                                                                                                        Dirigeants des multinationales, gouvernants des pays riches et partisans du libéralisme économique ont vite compris qu’ils devaient se concerter s’ils voulaient imposer leur vision du monde. Dès juillet 1973, dans un monde alors bipolaire, David Rockefeller lance la Commission trilatérale, qui va marquer le point de départ de la guerre idéologique moderne. Moins médiatisée que le forum de Davos, elle demeure très active, au travers d’un réseau d’influences aux multiples ramifications.
Il y a trente ans, en juillet 1973, à l’initiative de M. David Rockefeller, figure de proue du capitalisme américain, naissait la Commission trilatérale. Cénacle de l’élite politique et économique internationale, ce club très fermé et toujours actif de hauts dirigeants a suscité nombre de controverses, surtout à ses débuts (1). La Commission entend alors devenir un organe privé de concertation et d’orientation de la politique internationale des pays de la triade (Etats-Unis, Europe, Japon). Sa charte fondatrice résume : « Centrée sur l’analyse des enjeux majeurs auxquels font face l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon, la Commission s’attache à développer des propositions pratiques pour une action conjointe. Les membres de la Commission regroupent plus de 200 distingués citoyens provenant des trois régions et engagés dans différents domaines».                                                                              La création de cette organisation opaque, où se côtoient à huis clos et à l’abri de toute compromission médiatique des dirigeants de multinationales, des banquiers, des hommes politiques, des experts de la politique internationale, ou encore des universitaires. La Trilatérale soucieuse à la fois de protéger les intérêts des multinationales et d’« éclairer » par ses analyses les décisions des dirigeants politiques .



L’élite rassemblée au sein de cette institution fort peu démocratique­ et que la démocratie inquiète dès lors que des groupes autrefois silencieux s’en mêlent ­ va s’employer à définir les critères d’une « bonne gouvernance » internationale. Les thèmes débattus au sein de cette oligarchie de la politique internationale, dont les réunions annuelles se déroulent en différentes villes de la Triade, le sont dans une discrétion qu’aucun média ne semble plus vouloir troubler. Chaque sujet fait l’objet de rapports annuels (The Trialogue) et de travaux thématiques (Triangle Papers) réalisés par des équipes d’experts américains, européens et japonais triés sur le volet.: réforme des institutions internationales, mondialisation des marchés, environnement, finance internationale, libéralisation des économies, régionalisation des échanges, rapports Est-Ouest (surtout au début), endettement des pays pauvres, etc.
Ces interventions s’articulent autour de quelques idées fondatrices qui ont été largement relayées par le politique. La première est la nécessité d’un « nouvel ordre international La seconde idée fondatrice, qui découle de la première, est le rôle tutélaire des pays de la triade, en particulier des Etats-Unis, dans la réforme du système international.
La mondialisation financière et le développement des échanges internationaux seraient au service du progrès et de l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Or elles supposent la remise en cause des souverainetés nationales et la suppression des mesures protectionnistes. Ce credo néolibéral est souvent au centre des débats.
La tirade du directeur de l’OMC contre les groupes réclamant une autre mondialisation ­ qualifiés de « e-hippies » ­ souligne la troisième caractéristique fondatrice de la Trilatérale : son aversion pour les mouvements populaires. la Commission trilatérale est une institution bien établie, dont la discrétion facilite la collusion entre responsables politiques et grandes entreprises. Ainsi se dessine la trame d’un pouvoir diffus, opaque, presque insaisissable, qui tisse ses liens à travers des clubs fermés et des rencontres internationales dont le forum de Davos représente l’expression la plus ostentatoire. Dans ces lieux de rencontres, d’échanges, de tractations gravitent les mêmes protagonistes, s’élaborent les analyses et les compromis qui précèdent souvent les grandes décisions. La Commission trilatérale est une des pièces de cet échiquier polymorphe. Elle consolide l’alliance entre le pouvoir des multinationales, de la finance et de la politique, grâce à un réseau d’influences dont les ramifications s’étendent aux principaux secteurs de la société.
Participants de marque : On citera, par exemple, MM. William Clinton, George H. Bush, Henry Kissinger, George Soros, Valéry Giscard d’Estaing, Ernesto Zedillo, Mme Madeleine Albright. Mais, à ces responsables politiques, il convient d’ajouter de nombreux dirigeants en exercice des multinationales Exxon-Mobil, General Electric, Daimler-Chrysler, Levi Strauss, Kodak, Xerox, ABB, Johnson & Johnson, Alcan, Power Corporation, etc.
Source : Le Monde Diplomatique
Site Officiel : http://www.trilateral.org

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