samedi 16 juillet 2011

Comment Bernard Arnault est devenu l’homme le plus riche de France


Itinéraire d’un fils de famille d’industriels du Nord, qu’un mélange redoutable de flair, de sens du coup et de rouerie a porté à la tête d’un empire et fait de lui la septième fortune du monde.

Ses quelques 70 marques de luxe sont de toutes les fêtes dans le monde entier : de Tokyo à New York, de la Laponie à la Terre de Feu. Sur cet empire là aussi le soleil ne se couche jamais. Les preuves de sa puissance sont partout là où Champagne, whisky, vodka et cognac coulent à flots, déliant les langues et allumant les regards ; là où les plus belles femmes de la planète laissent le sillage enivrant de leurs parfums, l’image éblouissante de leurs robes, rêvées par John Galliano ou Marc Jacobs, lorsqu’elles passent aux bras d’éphèbes croqués par Hedi Sliman. Lui aussi a eu, comme tous les conquérants de nos contrées, ses rêves d’Asie. Des millions de Japonaises peuvent déambuler sur les trottoirs chic de Ginza, les Champs-Elysées de Tokyo, fières de leur sac monogramme Louis Vuitton ou de leurs bijoux et de leur montre Fred ou Chaumet. Les nouveaux riches de la république populaire de Chine ou de l’ex-Union soviétique, captivés, admirent dans les vitrines des mégalopoles les articles de mode de Dior, Kenzo, Céline, Berluti, Givenchy, Fendi...Au Moyen-Orient, des femmes voilées de la tête au pied confient à leur sac à main leur ultime besoin de distinction. Et, dans la vieille Europe, le désir de paraître se réinvente dans les bars à ongles de l’enseigne Sephora ou avec les crèmes et lotions pour seniors engagés dans un combat sans merci contre leurs rides.
En vingt ans, Bernard Arnault a créé avec Louis Vuitton-Moët Hennessy (LVMH) le premier groupe mondial de luxe, une des plus belles affaires de la planète. Cette nébuleuse a réalisé l’année dernière 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le bénéfice net a bondi de 30%, pour atteindre 1, 9 milliard d’euros, soit une rentabilité de 13%. Une formidable machine à créer de la richesse dont le holding personnel de Bernard Arnault possède 47, 5% du capital : un pactole de quelque 20 milliards d’euros. A cette confortable « galette », comme dit son compère Albert Frère, baron belge et milliardaire, il faut ajouter quelques participations ici et là, dont celle du fonds d’investissement qu’ils ont créé ensemble pour racheter des premiers grands crus comme Cheval-Blanc (Bernard Arnault possède déjà Château d’Yquem), et les immeubles, dont l’hôtel particulier racheté à la veuve de Jean-Luc Lagardère, ou encore le yacht de 25 millions d’euros que le magnat du luxe se fera livrer cet été. Broutilles. Il n’invite pas moins de quatre ministres au mariage de sa fille Delphine en 2005, et le soir de l’élection présidentielle il fait partie des convives du Fouquet’s qui congratulent Nicolas Sarkozy. Voilà pour les apparences et les mondanités.
Bernard Arnault est donc la septième fortune mondiale, selon le magazine Forbex, et la première française. Un peu vulgaire, ce genre de palmarès. Les vrais riches détestent parler de leur argent.
« Ce classement qui ignore notre endettement n’a aucun intérêt : . Lâche le directeur général du Groupe Arnault, Nicolas Bazire. Il ajoute : il La fortune de Bernard Arnault est massivement investie dans les 47% de LVMH et de Dior qu’il détient via ses holdings (63% des droits de vote). Une tasse de thé a la main, l’ancien directeur de cabinet d’Edouard Balladur, dont la cassette personnelle vient de se gonfler d’une levée de stock-options de plus de 30 millions d’euros, bavarde : « Vous n’avez pas idée des fortunes qu’abritent nos belles provinces ! » Certes, mais son patron boxe dans une autre catégorie.
La longue silhouette de Bernard Arnault était celle autrefois d’un jeune homme un peu gauche que trahissait un regard bleu, pâle, métallique. « C’est un silex », dira un de ses proches. A 58 ans, blanchi, l’oeil n’a rien perdu de son acuité. Ce mélomane passionné, pianiste, s’entoure de Picasso, Cézanne, Klimt. Mais son goût pour les oeuvres d’art ou le chocolat, dont il raffole, ne sont que des menus plaisirs. Comme l’immeuble qu’il veut construire à Boulogne-Billancourt, sur les fondations du bowling, pour abriter sa fondation et dont il a confié l’architecture au célèbre Frank Gehry (concepteur du musée Guggenheim de Bilbao).
Son appétit est insatiable lorsqu’il s’agit d’affaires. Jusqu’à mettre la main sur les Echos, fleuron de la presse économique alors qu’il possède déjà l’autre quotidien du secteur, la Tribune (lire p. 36-37). Qu’est-ce qui peut aujourd’hui l’arrêter ?
Déjà sa réussite dans le luxe ne lui suffit plus. Assis sur un tas d’or, il lui faut d’autres défis. Prenant modèle sur Warren Buffett, le célèbre patron du fonds Berkshire Hathaway (3e fortune mondiale), il se pique désormais de private equity - c’est-à-dire d’investissements le plus souvent dans des sociétés non cotées en Bourse. Avec son partenaire Frère et le fonds Colony Capital, le voilà qui rafle 9, 1% des actions de Carrefour, numéro deux mondial de la distribution, pour 1 milliard d’euros. Mais il reste insatisfait. Après tout, le chiffre d’affaires de LVMH ne représente même pas le bénéfice annuel de l’homme le plus riche du monde, Bill Gâtes, le patron de Microsoft...Pas si mal !
Mais comment en est-il arrivé là ? Comment ce mélange redoutable de flair, de sens du coup et de rouerie opère-t-il ?
Ses premiers millions : merci, grand-mère !
Issu d’une famille d’industriels du Nord, Bernard Arnault ambitionne très tôt de devenir le patron de l’entreprise Ferret-Savinel, la société de construction de bâtiments industriels qui appartient pour moitié à son grand-père maternel. Adolescent, il arpente en sa compagnie les chantiers. En Mai 68, il a 18 ans, l’effervescence étudiante le laisse de marbre. Les grèves ouvrières le contrarient. Ses camarades de Polytechnique visent les cabinets ministériels, Bernard Arnault désigné héritier par sa grand-mère se contrefiche de ces ambitions politiques. Son diplôme de FX en poche, il entre comme simple ingénieur dans l’entreprise familiale dirigée alors par son père. Décrit à l’époque comme un jeune pète sec prompt à la ramener par le banquier du Crédit lyonnais de Lille L’Ange exterminateur, d’Airy Routier, Albin Michel, 2003. , Michel Lefebvre, qui va l’épauler, Arnault fait ses premières armes dans la promotion immobilière, secteur dans lequel, pour peu que l’on allie opiniâtreté procédurière et culot, les bénéfices sont confortables. Puisqu’on y est « maître de son affaire et proche du client final » la Passion créative, d’Yves Messarovitch et de Bernard Arnault, Pion, 2000. , ce qui, en clair, permet de capter toutes les marges. Dès 1976, le jeune Bernard convainc ainsi son père de revendre ses activités industrielles pour construire à la mer et à la montagne des maisons et des immeubles Perret-Savinel destinés aux classes populaires qui ont réussi à épargner. Les radios vantent en boucle les qualités de ses logements de loisir, un véritable matraquage publicitaire. Dix ans plus tard, l’entreprise compte 900 personnes. Elle s’offre son premier avion, un Piper Cheyenne. Arnault vient de décoller, il cherche déjà à se diversifier.
Jouant de ses airs de jeune homme bien sous tous rapports, réservé voire timide, il roule Bernard Tapie dans la farine. Epaulé par son avocat, Jean-Louis Borloo - aujourd’hui ministre de l’Ecologie -, Tapie, repreneur de Manufrance, cherche à récupérer en direct l’une des pépites du groupe, le très rentable Chasseur français. Or, le droit commercial le lui interdit. Il en confie donc le portage à Arnault, qui acquiert le magazine pour 80 millions de francs, tout en s’engageant, selon Tapie, à le lui revendre. A l’échéance, les masques tombent. Arnault cède directement le mensuel à un tiers en s’octroyant l’intégralité de la plus-value. Un vrai bonneteau de pro !
L’élection de François Mitterrand à la présidence de la République va affoler le jeune requin des affaires. Il s’exile sur les côtes de Floride. Là, le promoteur affronte des squales plus dangereux que les socialistes français. Dans cet Etat, il a eu l’imprudence de construire une tour...à proximité d’une centrale nucléaire. Difficilement négociable à la revente. Affaire ratée, le métier rentre. Arnault ne prendra sa revanche qu’en 2004, en inaugurant à New York, aux côtés de la sénatrice Hillary Clinton, un fabuleux gratte-ciel LVMH dessiné par l’architecte français Christian de Portzamparc.
Et c’est la gauche, au milieu de la décennie 80, n’en déplaise à cet homme de droite, qui lui remet le pied à l’étrier.
Son premier milliard d’euros : merci, Fabius !
En 1984, le Premier ministre, Laurent Fabius, et son ministre de l’lndustrie traînent en effet un boulet : la Compagnie Boussac-Saint-Frères. De ce conglomérat l’Etat a repris les activités textiles, tout en laissant à ses propriétaires, les quatre frères Willot, les titres de véritables pépites : Dior, Peau douce, Le Bon Marché et Conforama. Boussac ne survit que sous perfusion d’argent public. Les socialistes cherchent désespérément un repreneur. Fort de leurs entrées politiques, le maître tailleur des armées, l’industriel Maurice Bidermann, l’éclectique Pierre Berger (Saint Laurent) et l’inévitable Tapie sont sur les rangs. Toutefois, trop confiants dans leurs appuis parisiens, ces trois prétendants ne prennent pas le temps d’aller courtiser les Willot, aux abois et menacés de liquidation L’Ange exterminateur, d’Airy Routier, Albin Michel, 2003. . L’outsider Bernard Arnault joue la solidarité nordiste et s’accroche à leurs basques. Il leur propose même un montage inédit : le prêt provisoire de leurs titres, qui leur permet de tirer parti du rétablissement espéré de Boussac. Pour financer cette aventure, le promoteur dispose d’à peine 40 millions de francs (6,1 millions d’eiiros) tirés de la revente des activités industrielles de la société familiale. Qu’importe, le Crédit lyonnais bat monnaie et lui avance 50 millions ; à ses côtés la banque Lazard, les groupes pétroliers Elf et Total et une mystérieuse société libanaise à capitaux syriens apportent 250 millions de francs.
Comme d’autres avant lui, Arnault s’engage la main sur le coeur auprès de Matignon à garantir l’emploi et la survie du groupe en s’interdisant son démantèlement. C’est la martingale de la décennie ! Non seulement l’Etat lui donne les clés du coffre-fort, mais il abandonne dans la foulée 380 millions de francs de créances sur Boussac et en promet 400 autres sous forme d’aides diverses. Le tout au nez et à la barbe de Bruxelles qui se réveillera bien plus tard...
La prise de pouvoir fêtée, les belles promesses restent en l’état. Dès son installation, en décembre 1984, au siège du conglomérat, Bernard Arnault engage la revente d’actifs, dont deux usines de textile à Beauvais et à Saint-Quentin. Comblé, il réalise que sa mariée, prétendument en haillons, dispose en réalité d’un incomparable trousseau d’une valeur de près de 5 milliards de francs. En quelques mois, les boursiers propulsent les actions Boussac-La Belle Jardinière vers les sommets. Cette envolée enrichit patrimonialement Bernard Arnault, détenteur de plus de 16% du capital du groupe. A Matignon, Laurent Fabius ne pipe mot. A un an des législatives, pas question de passer pour un jobard...
Sacré empereur du luxe : merci, le Crédit lyonnais ! Bernard Arnault ne conservera de Boussac que trois sociétés : Conforama, Le Bon Marché et Dior, son fétiche. La seule revente de Peau douce, fleuron national, à un groupe suédois lui rapportera 1, 6 milliard de francs. A l’occasion, il arrondit sa cagnotte de 4 milliards de francs par quelques allers-retours boursiers, notamment sur le titre La Redoute. Surtout, il s’attelle à son grand oeuvre : construire autour de sa prestigieuse maison de couture Dior, sa perle de l’avenue Montaigne, un groupe de prêt-à-porter, d’accessoires, de parfums, de cosmétiques et de spiritueux.
Stratégiquement, le luxe offre deux avantages : des marges aussi voluptueuses qu’inaltérables. Dans un monde où les inégalités explosent, les très riches sont rarement atteints par les vicissitudes qui grèvent le budget du commun des mortels. Quant aux aspirants millionnaires, ils se rabattent compulsivement sur les accessoires et les parfums, plus abordables. Encore faut-il dénicher ces couturiers qui vont provoquer la pâmoison de critiques volages ou vite blasés et savoir décliner sous un même nom tous les produits de compléments, sacs, foulards, lunettes, etc. Recruté à la tête de Dior, l’excentrique Britannique John Galliano va littéralement hystériser, des décennies durant, les fashion victims. En 1987, Arnault s’offre un deuxième joker, en enlevant à Jean Patou un jeune inconnu, Christian Lacroix. Le Dé d’or 1986 lui vend son nom pour quatre-vingt-dix ans en échange d’une rémunération annuelle de 1, 5 million de francs. Inspiré par ses racines, l’Arlésien offre à son « mécène » un premier défilé chatoyant, saturé d’atmosphères de feria et de corrida ; ses mannequins s’éclipsent acclamés de vibrants olé par le public. Sceptique, Bernard Arnault douche dès le lendemain ce bel enthousiasme en demandant à Lacroix : « Mais où sont donc vos intemporels ? » « Christian Lacroix, 20 ans de talent », l’express 31 mai 2007. . Entre le manager et le créateur solaire, l’incompréhension deviendra vite abîme, puis rupture. Jamais Arnault n’a regretté publiquement de ne pas avoir tissé de lien durable avec le plus grand créateur de sa génération. Il est vrai que, pour être sacré empereur du luxe, le PDG de Dior a déployé bien d’autres talents...
1988, Bemard Arnault lance la bataille mère de son empire : la conquête, grâce aux fonds inépuisables du Crédit lyonnais, du fleuron familial LVMH. Propriétaire des parfums Dior, ce groupe de maroquinerie et de spiritueux est né d’un mariage orageux entre deux dynasties : le malletier Louis Vuitton, qui emploie à Asnières une centaine de personnes, et Moët-Hennessy, spécialisé dans les champagnes et le cognac. Surtout, les abeilles de cette ruche industrieuse sécrètent un nectar irrésistible, plus de 1 milliard de francs par an de bénéfices, soit un quart de leur chiffre d’affaires. Un record ! Par extraordinaire, cet élixir coule en toute saison depuis que la maroquinerie Vuitton s’accroche aux bras de la femme japonaise, folle de marques. Ainsi, le jour du nouvel an à Kyoto, les élégantes défilent en kimono, perchées sur leurs geta de bois, un sac monogramme flambant neuf au bras.
Le groupe est vulnérable, le capital dispersé, ses patrons divisés ! Henry Racamier, le président de Vuitton, l’appelle. Il craint celui de Moët, Alain Chevalier, qui veut faire entrer au conseil d’administration Guinness, le groupe britannique. Et Racamier pense à Arnault pour faire contrepoids. Il rêve même d’une OPA sur le tout.
Pendant ce temps, Bernard Arnault prend conseil auprès de ses amis de Lazard, Antoine Bemheim et Bruno Roger. Le PDG de Dior fait semblant de se laisser séduire par Alain Chevalier et rafle en Bourse 22% du capital, s’allie avec Guinness et prend le pouvoir. Alain Chevalier et Henry Racamier n’ont rien vu venir. Un fantastique coup de maître !
Au terme d’une intrigue digne du Vatican, Bernard Arnault prend le contrôle de ce fleuron en trahissant successivement ses propriétaires. Sur un nuage, en novembre 1994, l’homme d’affaires, dont le culot a bluffé toute la place, fait épingler sur la veste de son costume Dior l’insigne de la Légion d’honneur par Edouard Balladur. Son mentor Antoine Bernheim est là ainsi que son nouvel ami, Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget. Bernard Arnault accède au panthéon des milliardaires tricolores. « A l’époque pourtant, personne ne songeait encore à recueillir son avis sur quoi que ce soit », se souvient une journaliste économique...C’est donc outre-Manche que l’ami intime de Lady Diana -Vuitton créera un modèle offert à la princesse par Bernadette Chirac -, apportera ses lumières, en conseillant...Tony Blair.
Et il continue, inlassable, à se développer. « Yves Carcelle, le PDG de Vuitton, est démarché par les maires de toutes les grandes cités chinoises, exulte Nicolas Bazire. Pour ces élus du peuple, l’ouverture d’une boutique de notre maroquinier constitue un standard minimal d’accès au rang de ville internationale. »
Porté par le grand vent du capitalisme qui permet aussi à 100 millions d’Indiens d’acquérir du luxe occidental, le patron de LVMH accélère ses acquisitions. A un rythme qui donne le tournis : Guerlain, Loewe, Kenzo, Emilie Pucci, Fred, Château d’Yquem, les enseignes Duty Free Shoppers et Sephora, et même le célèbre chausseur Berluti si prisé par Roland Dumas, alors dans son escarcelle. Il échoue à mettre la main sur Gucci, propriété de son rival François Pinault, mais se console en relançant la marque italienne Fendi. Givenchy crée des parfums millésimés. Moët Hennessy s’essaye aux rhums, aux alcools de riz haut de gamme. L’horloger Tag Heuer réinterprète ses modèles vintage. Louis Vuitton lance ses trousses d’entretien de souliers. Bernard Arnault valide toujours personnellement les photos de mannequins et les campagnes de publicité de ses produits phares.
De la fortune managériale à la fortune patrimoniale ; merci, les juristes ! Arnault le manager comblé n’oublie jamais Bernard le propriétaire. Tout en bâtissant un fleuron industriel, le PDG de LVMH s’est immensément enrichi en flirtant avec les limites de la légalité. Corsaire des affaires, il affectionne particulièrement ces cascades de sociétés qui permettent avec peu de capital d’asseoir son pouvoir en levant des fonds à tous les niveaux. Car, le moment propice venu, ces montages permettent de détourner allègrement les bénéfices vers les coffres-forts de son choix. Dès 1996, LVMH a ainsi distribué, au plus grand profit de son premier actionnaire, plus de 41, 6% de son bénéfice. Cette manne record n’a en rien dissuadé son patron, une exception dans le milieu des affaires, de s’octroyer une part écrasante des stock-options distribuées par LVMH ; pratique qui ne sera plus envisageable demain, si Nicolas Sarkozy tient ses promesses électorales...A l’époque il est vrai, Bernard Arnault n’encourait guère de remontrances. Longtemps le comité des rémunérations de LVMH a été constitué...de Jean Amault, son père, et d’Antoine Bemheim. Défenseur d’actionnaires privés, le cabinet belge Deminor s’est offusqué à de multiples reprises des factures de 40 à 60 millions de francs par an adressées par le holding d’Arnault, Montaigne Participations, à LVMH au simple titre de frais de conseil. Mais il y a plus surprenant. Avant 1997, Bernard Arnault aurait revendu à son propre groupe des sociétés comme Kenzo, Fred et Céline qu’il possédait déjà puisque acquises à différents niveaux de ses holdings. Seule Colette Neuville, la pasionaria des petits actionnaires, a essayé, sans obtenir gain de cause, de contester la revente au plus haut de sa valeur du Bon Marché à LVMH. « Depuis mon arrivée, cela ne s’est pas fait », assure sans s’appesantir Nicolas Bazire. En effet, au tournant du XXIe siècle, une fois la page passionnelle de la bulle Internet tournée, Bernard Arnault a mis au point bien d’autres tours de passe-passe pour engranger ses milliards. Fragilisé par la crise asiatique et les attentats à New York du 11 septembre 2001, le groupe voit ses actions plonger. Légalement, il les fait racheter massivement par LVMH pour ensuite les détruire. Du coup, cette opération dite de « relution » a mécaniquement enrichi son plus gros actionnaire, c’est-à-dire lui-même. Toutes ces liquidités ont ensuite alimenté son holding qui, indépendamment de LVMH, fonctionne désormais comme une banque d’investissement. De quelles munitions dispose-t-il ? Mystère. L’opacité règne en maître afin de mieux dérouter les concurrents prédateurs. A l’affût, on apprend tout de même sur le serveur de la SEC, le gendarme de la Bourse américain, qu’il oeuvre dans la distribution de vidéos aux Etats-Unis, qu’il parie sur l’immobilier en Russie et même dans l’assurance vie en Chine. Côté technologies, le holding mise sur des seringues sophistiquées permettant l’auto-vaccination. Sensibilisé aux problèmes de communication des milliardaires en croisière, il investit dans des réseaux de portables maritimes. « La motorisation est suffisante, se contente d’indiquer Nicolas Bazire, en pastichant la publicité conçue autrefois pour rassurer les acheteurs de Rolls-Royce sur les performances de leurs bolides. Certes, nous sommes moins riches que les fonds d’investissement, qui lèvent pour quatre ans des capitaux. Mais nous comprenons mieux les contraintes d’une gestion familiale. » Parole de loup qui veut montrer patte blanche pour entrer dans la bergerie des autres ? Fort de cet argument, le Groupe Arnault vient de rafler sur le marché plus de 64 millions d’actions Carrefour. Et, en avril, Nicolas Bazire, est propulsé au conseil d’administration. A défaut d’être Bill Gâtes, le tycoon du luxe veut-il contraindre Carrefour à vendre les murs de ses magasins et rééditer ainsi, vingt-cinq ans après, un succès à la Boussac ? il s’en défend farouchement. Mais les gages d’amitié qu’il a récemment adressés à la famille Halley, propriétaire de Carrefour, n’ont pas totalement rasséréné cette dernière...   Source:Marianne, 30 juin 2007Rédigé par LAURENCE DEQUAY le Samedi 30 Juin 2007

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