dimanche 22 janvier 2012

Le rôle des marchés financiers dans la crise grecque








article publié le 26/05/2010
auteur-e(s) : Attac France
Afin subvenir à ses difficultés, l’Etat grec doit emprunter sur les marchés financiers. Ceux-ci le considèrent comme un mauvais emprunteur, et lui imposent des prêts à taux très élevés… Avec la crise actuelle, la spéculation a fait bondir les taux d’intérêts, qui viennent peser encore davantage sur le déficit grec, créant un effet boule de neige.

Quel a été le rôle de la spéculation dans la crise grecque ? Quel est son fonctionnement ?
La spéculation sur la dette grecque se situe sur deux plans. Le premier concerne les contrats d’assurance sur le défaut de paiement (CDS pour Credit Default Swap). Leur principe est simple : lorsque des investisseurs achètent des titres d’emprunt, ils peuvent s’assurer contre un hypothétique non-remboursement de la part d’une entreprise ou d’un État. Si la demande en CDS est grande, leur taux augmente : cela signifie que les investisseurs souhaitent se protéger contre le défaut de paiement, c’est-à-dire que le « marché » considère que le risque est grand que l’emprunteur ne puisse rembourser son emprunt.
Sauf que le marché des CDS, comme bien d’autres « produits dérivés », s’est autonomisé. Car il n’est pas besoin de détenir des titres grecs pour spéculer contre la dette grecque. Il est donc possible, pour les investisseurs qui en ont les moyens, de spéculer à la hausse sur les CDS. Au départ instruments d’assurance, les CDS sont devenus de purs produits spéculatifs aux effets dévastateurs. « On sait ainsi que Goldman Sachs et deux hedge funds dont celui de John Paulson ont acquis de grandes quantités de CDS » explique Jean Quatremer. « Un jeu souvent gagnant : si le taux des CDS grimpe, les spéculateurs gagnent de l’argent, si les taux d’intérêt de la dette grimpent, ils gagnent de l’argent, si la Grèce fait défaut, ils gagnent de l’argent. [1] »
À tous les coups l’on gagne. Le résultat, c’est que le taux des CDS grecs s’est envolé. Certains acteurs de marché assurent qu’il s’agit d’une estimation rationnelle du risque de défaut de paiement. Il s’agit surtout d’une estimation rationnelle de la manière de faire de l’argent facile : les taux grecs atteignent des niveaux trois ou quatre fois plus élevés que les CDS des pays émergents.
« C’est comme si quelqu’un prenait une assurance-incendie sur la maison de son voisin. Il aurait alors tout intérêt à y mettre le feu pour toucher l’assurance », selon le bon mot du Premier Ministre Papandreou.
Quel est l’impact de la spéculation sur la dette grecque ?
C’est le second plan, celui des titres de la dette grecque. C’est là que les agences de notation interviennent. Pour elles, les taux des CDS représentent une estimation rationnelle de la capacité de l’État grec à rembourser ses dettes. Pourtant il n’était pas difficile de voir que les risques grecs étaient gonflés artificiellement par rapport aux autres pays européens ou émergents. Qu’importe : la note de la dette grecque s’est vue considérablement dégradée. Du coup, les taux d’intérêt de la dette grecque se sont envolés.
Les agences de notation ont partie liée avec les spéculateurs en contribuant à créer la panique sur les marchés. De quel droit ces acteurs privés, mus par un objectif de profit à court terme, et qui ne font l’objet d’aucun contrôle, peuvent-ils s’ériger en juges des États ?
Le tout pour le plus grand plaisir des investisseurs détenteurs des titres de dette grecque. Les difficultés pour emprunter de l’argent frais entraînent une spirale vicieuse : le gouvernement est obligé de tailler dans les budgets publics et dans les salaires et d’augmenter la fiscalité. L’activité stagne, le chômage augmente, les rentrées fiscales du gouvernement se font moindres et le déficit se creuse. La boucle est bouclée.
La Grèce peut-elle faire faillite ?
La Grèce peut faire défaut de paiement, c’est-à-dire décider souverainement de ne pas honorer ses dettes. Le résultat immédiat, c’est qu’elle se débarrasse du fardeau de ses intérêts. De ce fait, la Grèce serait relativement stigmatisée vis-à-vis des investisseurs financiers.
Un autre point qui pèse lourd dans la balance : si la Grèce faisait défaut de paiement, cela représenterait un choc important pour le système financier, un « risque systémique ». D’une part les banques qui ont investi massivement dans les obligations d’État après le choc de 2007, et notamment dans les obligations grecques, perdraient leur mise. D’autre part, les grands opérateurs de CDS se retrouveraient probablement en difficulté pour payer leurs contrats d’assurances aux spéculateurs. Les faillites qui s’ensuivraient pourraient entraîner une nouvelle crise financière.
Mais si une faillite n’est pas possible (un Etat n’est pas une entreprise), il est probable que l’on s’achemine vers une restructuration de la dette de la Grèce. Une partie de la dette sera annulée, l’autre partie sera rééchelonnée, c’est-à-dire avec des délais de paiement plus longs et des taux plus bas. C’est ce qui s’est passé au début des années 1980 avec la dette des pays latino-américains quand ces derniers ont été étranglés par la hausse brutale des taux d’intérêt (qui avaient doublé à la suite de la politique monétaire très restrictive de la Fed américaine). Aujourd’hui, c’est la spéculation internationale qui étrangle la Grèce et crée une situation insoutenable.
Prenant acte du rôle néfaste de la finance, les Etats prendront-ils des mesures pour mettre un terme à ses méfaits ? Voir "Le plan de sauvetage"
Références :
- L’aboutissement du capitalisme : une crise entraîne l’autre par Gérald Mermet, Attac Suisse
- Le second hold-up des marchés financiers, par Eric Scavennec
- Un pays peut-il faire faillite ? par Laurent Cordonnier

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