samedi 28 janvier 2012

Les Roms, nouveaux parias de l’Europe

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Les Roms migrants en France
Les Roms présents en France (entre 15 000 et 20 000, dont 40 % d’enfants) viennent pour la plupart de Roumanie et de Bulgarie et pour une moindre part, des pays de l’ex-Yougoslavie. Contrairement à une idée reçue, dans ces pays, ils sont essentiellement sédentaires, vivant dans des villages ou dans les banlieues des grandes villes. En Roumanie, ils sont parmi les plus pauvres dans un pays livré au libéralisme, à la corruption ; ils subissent de plein fouet la crise économique. Depuis 1995 et surtout depuis 2000, ils quittent leur pays comme migrants économiques. Comme beaucoup de migrants dans cette situation, ils envoient une partie de l’argent qu’ils gagnent aux membres de leur famille restés en Roumanie.
Les Roms sont des citoyens européens, mais de seconde zone ; ils sont en effet victimes du statut provisoire spécifique réservé aux Roumains et aux Bulgares durant une période transitoire qui peut durer encore quelques années. Ils ont le droit de circuler librement mais leur séjour en France ne peut excéder trois mois. Au-delà, ils doivent justifier de ressources suffisantes et d’une assurance maladie ! Ce statut limite considérablement leur droit à travailler et, dans la pratique, les en empêche1. Dès lors, pour vivre, ils ont recours au travail au noir ou à la mendicité. Privés de travail, ils n’ont aucune possibilité de se loger décemment. Ils construisent donc des cabanes en occupant des terrains, privés ou publics, se regroupant dans des bidonvilles de tailles variables ou réquisitionnent des bâtiments vides. Sauf pour les plus grands campements, il s’agit souvent de quelques familles issues d’un même village.
Ces campements, déclarés illégaux par des procédures judiciaires, sont régulièrement expulsés par la police, à la demande des propriétaires, privés ou publics (collectivités locales). Les biens des Roms sont à chaque fois détruits et les familles se réinstallent un peu plus loin ou dans une commune voisine. Ces expulsions sont lourdes de conséquences : impossibilité de scolariser les enfants, traumatismes subis du fait des nombreuses expulsions.
À ces destructions de campements s’ajoutent les expulsions du territoire français qui permettent au ministère de la rafle d’atteindre ses objectifs chiffrés d’expulsions (en 2008, ils représentaient 8 000 personnes, soit un tiers des reconduites à la frontière, et près de 5 000 en 2009). Opérations inhumaines et d’autant plus absurdes qu’ils peuvent, en tant qu’Européens, revenir en toute légalité.
Ces populations sont donc privées des droits les plus élémentaires : accès aux soins, droit au travail, au logement, à la scolarisation des enfants.
Au nom de la France, Pierre Lellouche est allé en Roumanie pour demander aux autorités de garder les Roms chez eux et de les empêcher de repartir. Quand il parle des Roms, il parle aussitôt de délinquance, trafic, …

« Ceci fait des Roms roumains et bulgares, la population migrante la plus contrôlée, la moins prise en charge et la seule à l’égard de laquelle aucune politique ciblée humanitaire n’intervient pour l’accès à la santé et à l’éducation. »2

1. Ce statut devrait prendre fin en 2012, et au plus tard le 31 décembre 2013.
2. Délibération n°2009-372 du 26/10/2009 de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité).

Qui sont les Roms ?

Les populations Roms sont arrivées dans le sud-est de l’Europe, en provenance de l’Inde, vers la fin du XIIIe siècle. Elles se sont divisées en plusieurs branches, la grande majorité restant sur le territoire des futures Roumanie et Bulgarie, une autre partie se disséminant dans différents pays de l’Europe de l’Ouest, les Gitans et les Manouches.
Pour les Roms restés en Roumanie, ce fut le début d’une longue période d’esclavage, au profit des seigneurs féodaux, des monastères, des propriétaires terriens. L’esclavage n’est définitivement aboli qu’en 1864.
Ainsi, en 1818, le code pénal de Valachie (une province de Roumanie) contient les articles suivants :
Section 2 : les Tsiganes naissent esclaves.
Section 3 : tout enfant né d’une mère esclave est esclave.
Section 5 : tout propriétaire a le droit de vendre ou de donner ses esclaves.
Section 6 : tout Tsigane sans propriétaire est la propriété du Prince.

Dans toute l’Europe, comme les Gitans en France, ils furent les victimes d’un plan d’extermination nazi. 500 000 d’entre eux périrent dans les camps de concentration. Le racisme et les discriminations à l’égard des populations roms continuent de sévir en Roumanie comme dans d’autres pays. En 1993, par exemple, ils furent victimes de pogroms. En Slovaquie, des projets de loi ont cherché à enlever les enfants à leur famille. En Italie, des incendies volontaires ont détruit plusieurs bidonvilles. En Tchéquie, les enfants roms ont été scolarisés dans des classes accueillant de jeunes handicapés.

Violence des expulsions

La police et la gendarmerie exercent une pression constante sur les campements, des contrôles fréquents, allant jusqu’à marquer au tampon encreur les personnes contrôlées.
La répétition des expulsions provoque des traumatismes chez les enfants qui voient leurs lieux de vie détruits et empêche la scolarisation.
Sous les bretelles d’autoroute, dans des friches industrielles, loin de tout, sans eau, ils subissent ces expulsions sans qu’aucune solution ne soit proposée !
Dans les seuls environs de Massy (Essonne), ce sont plus de six expulsions en moins de trois ans qui ont touché certaines familles :
- Le 23 janvier 2007 (jour de la mort de l’Abbé Pierre ), à Palaiseau, par un froid glacial. Quelques nuitées d’hôtel sont proposées aux Roms en application du plan grand froid...
- Le 17 septembre 2008, expulsion du campement situé sur un parking inutilisé près de la gare RER. La police force les familles à monter dans le train et, dans chaque wagon, des policiers devant les portes empêchent les Roms de descendre ; leur seul but est de les repousser le plus loin possible de Massy.
- Le 8 mars 2010, le bidonville situé à Massy est détruit aux 2/3 par un incendie. La mobilisation des Roms et de l’Association de solidarité a contraint le maire a ouvrir un gymnase pour héberger les familles. La seule réponse des autorités est de « rapatrier » les Roms en Roumanie et de raser au bulldozer les restes du campement.

Roms et gens du voyage....

Bien qu’issus d’une même migration, il ne faut pas confondre les Roms migrants, avec les « Gens du voyage ». Ces derniers, qui rejettent cette appellation et se nomment eux-mêmes gitans (manifestant ainsi qu’ils se considèrent comme un groupe ethnique et non un groupe social), sont des citoyens français de longue date.
Ils sont victimes eux aussi de discriminations et d’une législation spécifique, leur imposant entre autres un « livret de circulation ». C’est ce document que la police leur demande en cas de contrôle. Ce sont eux qui sont concernés par la loi sur l’aire d’accueil dans les communes de plus de 5 000 habitants. Mais peu de communes les ont mises en place, les contraignant ainsi à des stationnements illégaux. Pour eux aussi, la scolarisation des enfants est difficile car ils ne peuvent pas rester au même endroit durant une année scolaire.
La plupart travaillent, ils sont souvent forains, commerçants sur les marchés et propriétaires de leur caravane.
En ce moment, on peut voir sur les écrans Liberté de Tony Gatlif, dont la projection est souvent suivie d’un débat.
Depuis ses débuts, Tony Gatlif voulait faire un film sur la déportation et le génocide des Tsiganes.
Jusqu’au jour où il entendit l’histoire vraie d’un gitan français déporté après avoir pris tous les risques pour sauver sa liberté.
« Mon idée était d’arriver à faire une reconstitution qui soit la plus précise possible de ce qui s’était passé. Le problème est qu’il n’existe pas grand-chose sur l’holocauste des Roms. Pas de film bien sûr, très peu de livres. »
Liberté témoigne d’une culture et d’une histoire.
Si le film de Tony Gatlif évoque une page noire de l’histoire des Gitans, il demeure étonnamment vivifiant, porté par l’interprétation des acteurs.
Avec une grande pudeur et un minimum d’effets mélodramatiques, Liberté touche à l’universel et bouleverse, faisant de ce devoir de mémoire une œuvre poétique et non didactique.

Droit au travail bafoué

Les mesures transitoires applicables aux travailleurs roumains ou bulgares les différencient considérablement des autres Européens ; ils sont placés dans une situation voisine de celle des travailleurs non communautaires.
Pour obtenir un titre de séjour, les Roms, roumains ou bulgares, doivent trouver un emploi et obtenir une autorisation de travail. Mais l’accès à l’emploi est limité à 150 métiers et un CDI est indispensable. De plus, l’employeur qui décide d’embaucher un travailleur roumain ou bulgare doit payer une taxe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii, ex Anaem) dont le montant est variable, en fonction de la durée d’embauche et du salaire, mais est au minimum de 800 euros.
Compte tenu des difficultés mises en place, du peu de connaissances de ces populations des subtilités administratives, tout ceci revient à leur interdire de fait de travailler légalement.
Il faut ajouter à cela que les demandes d’autorisation de travail ont conduit, un certain nombre de fois, à des OQTF (Obligations de quitter le territoire français) ou à des pressions sur l’employeur éventuel.

Scolarisation impossible

En France, tous les enfants, français ou étrangers, sont censés bénéficier d’un égal accès à l’instruction (préambule de la Constitution de 1946, art. 13) qui s’impose pour eux comme obligatoire entre six et seize ans (code de l’éducation, art. L131-1).
Aujourd’hui, près de 6 000 enfants ne sont pas scolarisés. Il s’agit pour l’essentiel d’enfants roms vivant en squats ou bidonvilles.
Ce qui devrait en France ouvrir les chances d’une insertion économique, sociale et culturelle à ces enfants
– l’égal accès à l’école, obligatoire pour tous – reste inaccessible pour la plupart d’entre eux.
En effet, les obstacles matériels (expulsions répétées des lieux de vie, reconduites à la frontière, absence
totale de ressources pour faire face aux frais liés à la scolarisation, quotidien dans les squats et bidonvilles…) se conjuguent aux discriminations directes et indirectes de la part des institutions sous la forme de délais exceptionnels avant leur affectation dans les écoles, exclusion des aides sociales liées à la scolarisation et, trop souvent encore, de refus d’inscription scolaire. Ces différents facteurs d’exclusion du droit à l’éducation se trouvent plus largement détaillés dans un document édité par le Collectif pour le droit des enfants roms à l’éducation, dont les écrits et actions sont décrites sur le site du Collectif Romeurope. Une pétition est également en ligne.
www.romeurope.org/

Actions solidaires, lutte pour les droits !

Des comités de soutien se sont constitués un peu partout en France et se sont fédérés dans le Collectif national Romeurope, constitué d’associations de Tsiganes, des droits de l’homme, de solidarité, humanitaires… Elles ont pu parfois imposer des rapports de forces et trouver des collectivités territoriales comme partenaires pour construire des solutions favorisant l’accès aux droits, en commençant par un accès à des logements dignes ! C’est ainsi que dans le Val-de-Marne, plusieurs familles suivent un programme d’insertion dans une ancienne gendarmerie mise à disposition des associations par le conseil général.

Avec les associations de soutien aux familles roms, le NPA demande :
• l’arrêt des expulsions sans alternatives de logement ;
• l’arrêt des pressions policières ;
• le libre accès au travail : fin de la période transitoire pour la Roumanie et la Bulgarie ;
• le statut de réfugié pour les Kosovars ;
• l’accès à la santé et à la scolarisation sans conditions.

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