vendredi 8 juillet 2011

DSK : portrait d’un oligarque



Par Michel PinçonMonique Pinçon-Charlot7 juillet 2011
Dominique Strauss-Kahn naît, en 1949, à Neuilly-sur- Seine – une ville qui est déjà l’emblème des familles les plus riches. A cette époque, l’habitat reste clairsemé, la densification remontant aux années 1950-60. Avocat et consultant, il baigne dès l’enfance dans le monde du droit, de la fiscalité et des médias par son père, conseiller juridique et fiscal, et sa mère, journaliste et assureur.

Dès le plus jeune âge

Après avoir suivi des études de droit comme de nombreux enfants de Neuilly, il intègre HEC, une grande école de commerce. Il réussit l’agrégation de sciences économiques et obtient le diplôme de l’Ecole des sciences politiques de Paris, ce qui lui permet d’être en phase avec le passage du capitalisme industriel au capitalisme financier.
Si les études juridiques sont une spécificité de la grande bourgeoisie, c’est que cette discipline, qui n’est enseignée ni en primaire ni dans le secondaire, est au coeur du dispositif de la reproduction des rapports sociaux. Pour continuer à dominer, en transformant leurs intérêts particuliers – financiers, fiscaux, culturels – en intérêt général, les dominants doivent se familiariser avec le droit dès leur plus jeune âge. C’est pourquoi la version réactualisée du Président des riches propose que le droit soit enseigné dès l’école primaire.
Le jeune Dominique Strauss- Kahn, comme tous les enfants de ces milieux, grandit dans la collusion de fait entre les différentes élites. Sa famille, politiquement à gauche, a vécu à Agadir, au Maroc, où DSK a connu le tremblement de terre atroce du 29 février 1960 dans lequel il a perdu plusieurs de ses amis. Ensuite, elle s’est installée à Monaco.

Dominants

On peut supposer qu’autour de la table familiale, il y avait des avocats, des hommes politiques, des hommes d’affaires et peut-être même des artistes. Des individus qui représentent les pôles dominants des différents secteurs de l’activité économique et sociale.
Le conflit d’intérêts est consubstantiel à la grande bourgeoisie  : elle ne peut même pas en prendre conscience, cette collusion allant de soi. La séparation des pouvoirs n’existe pas pour cette classe qui fonctionne en tant que classe. Tout se mélange à travers la sociabilité mondaine.
Dominique Strauss-Kahn est membre du Siècle, un cercle où il retrouve de grands journalistes, au point d’épouser l’une d’elles, des conseillers fiscaux, des hommes politiques de droite et de gauche. C’est là qu’il peut rencontrer Marc Ladreit de Lacharrière, le propriétaire d’une agence de notation, Martine Aubry, François Fillon, etc.

Candidat des riches

Dominique Strauss-Kahn portait à un point inimaginable les qualités de représentant de l’oligarchie. Il aurait été le candidat des riches en 2012. Quelques exemples suffisent à étayer cette affirmation.
En 1999, alors qu’il est encore ministre de l’Economie et des Finances sous le gouvernement de Lionel Jospin, il baisse de manière considérable la fiscalisation des stock-options, y compris donc celles des patrons du CAC 40, en la faisant descendre de 40 % à 26 %. Par ailleurs, il privatise l’Aérospatiale au bénéfice de son ami Jean-Luc Lagardère, membre du Cercle de l’Industrie, que DSK a créé en 1993 alors qu’il était ministre. Dans le Conseil d’administration de ce cercle, on retrouve aussi Lindsay Owen-Jones, de L’Oréal, et Vincent Bolloré.
Dominique Strauss-Kahn procède également à la privatisation de France Télécom dont l’actuel président est Stéphane Richard, autrefois son conseiller à Bercy. France Télécom est aujourd’hui conseillée par Euro RSCG, et notamment par Stéphane Fouks, qui s’occupait aussi de l’image de DSK et du FMI. Ainsi se déroule la pelote de laine oligarchique.

L’ami Sarkozy

Si Dominique Strauss-Kahn scinde la SNCF, les rails relevant dorénavant de Réseau ferré de France, c’est pour amorcer une privatisation interne, comme lorsqu’il sépare GDF de EDF. Henri Proglio, patron d’EDF nommé par Nicolas Sarkozy, est un ami de longue date de Dominique Strauss- Kahn dont les liens avec le président de la République sont nombreux. Ils travaillent en effet avec les mêmes communicants, dont Alain Minc avec lequel Dominique Strauss-Kahn dînait régulièrement.
Parmi les anciens collaborateurs de DSK à Bercy, Mathieu Pigasse est devenu banquier chez Lazard, François Villeroy de Galhau est aujourd’hui l’un des hauts responsables de la BNP-Paribas et Stéphane Keïta a obtenu d’importantes responsabilités à la Caisse des dépôts.
Dans Le président des riches, nous relatons un dîner dans le septième arrondissement de Paris au cours duquel on demande à un grand banquier quel est son ministre de l’Economie et des Finances préféré. Sa réponse : « Pierre Bérégovoy, car il a déréglementé tous les marchés. » On peut donc travailler pour les intérêts de l’oligarchie tout en affichant des valeurs socialistes.
L’épisode judiciaire récent n’a pas ébranlé ce système oligarchique. C’est aujourd’hui un individu qui s’écroule, et encore, la suite peut réserver des surprises. Dominique Strauss- Kahn a jusqu’à présent toujours su rebondir, comme lorsqu’il a bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire de la Mnef. C’est d’ailleurs le propre des oligarques de posséder des réseaux et de l’argent qui leur permettent de se remettre sur pied dans bien des circonstances, et d’être déclarés innocents.

Coexistence

La professionnalisation de la politique conduit inéluctablement à une coexistence permanente avec les autres personnalités de la vie économique, sociale et culturelle. En premier lieu avec les patrons et les dirigeants d’entreprises. Mais aussi avec les magnats de la presse, les hauts fonctionnaires, les hauts magistrats et les responsables des forces de l’ordre.
Dominique Strauss-Kahn est, ou était, l’un des représentants les plus marquants de ce haut personnel politique qui fait partie de l’oligarchie, qu’elle soit de droite ou de gauche.

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