Chronique, par | 6 juillet 2011
Les vieux pays capitalistes ne vont pas bien. C’est ce que montrent les dernières prévisions de l’Organisation des Nations unies [1] : « Un ralentissement de la croissance mondiale est attendu en 2011 et 2012. » Pour les pays développés, le rapport prévoit une croissance de 1,9 % en 2011 puis de 2,3 % en 2012. L’Union européenne (1,5 % et 1,9 %) et le Japon (1,1 % et 1,4 %) feraient encore moins bien, et les Etats-Unis (2,2 % et 2,8 %) un peu mieux. La croissance mondiale serait tirée par les pays en développement, avec 6 % en 2011 puis 6,1 % en 2012. « La reprise mondiale a été freinée par les économies développées », note le rapport. On peut même se demander s’il y aurait eu reprise dans les pays développés sans le dynamisme des pays émergents.
La croissance mesure au moins une chose : la santé du capitalisme. De ce point de vue, l’avenir semble bouché. Aux Etats- Unis, l’épuisement des effets de la politique monétaire de Quantitative Easing et l’envol de la dette publique marquent les limites d’une politique de relance qui ne touche pas aux hallucinantes inégalités dans la répartition des revenus. Le sursaut japonais a été réduit à néant par les suites de la catastrophe nucléaire. Quant à l’Europe, elle fonce dans le mur avec allégresse.
Le rapport de l’ONU signale avec raison que : « l’austérité budgétaire risquerait de décélérer davantage la reprise, l’augmentation de l’instabilité des taux de change reste un risque tout comme le serait un rééquilibrage non-coordonné de l’économie mondiale ». Bien vu, mais les propositions avancées sont d’une vacuité presque comique : il faudrait « coordonner les programmes de relances ; la politique budgétaire doit être revue afin de renforcer son impact sur l’emploi ». L’ONU appelle de ses voeux « une politique monétaire plus efficace, un accès plus prévisible pour financer le développement, des objectifs plus concrets et exécutoires pour la coordination des politiques internationales ».
Dans un tel contexte, le projet de « démondialisation » manque pour le moins de symétrie. Sa proposition centrale est celle d’un protectionnisme (européen dans le meilleur des cas, ou limité à l’Hexagone) à l’égard des importations en provenance des pays émergents qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales. Mais ni Montebourg, ni Todd, ni Sapir ne parlent des exportations. Or, ce sont aujourd’hui les pays émergents qui tirent la reprise et la financent : « les transferts financiers nets des pays pauvres vers les pays riches sont encore en augmentation », souligne l’ONU. Vouloir unilatéralement réduire les importations ne peut conduire à une configuration stable.
La démondialisation ainsi conçue doit être distinguée de l’altermondialisme, sur plusieurs points récemment synthétisés par Jean-Marie Harribey [2]. D’abord, la mondialisation n’est pas la source unique de la dégradation sociale. L’ONU prévoit ainsi la « persistance du chômage élevé dans les pays développés ». Avec la crise, le taux de chômage y est passé de 6 % à près de 9 % et devrait rester supérieur à 8 % en 2012. Cette reprise sans emploi (« jobless recovery ») qui est l’horizon des vieux pays capitalistes ne résulte pas de la mondialisation qui leur procure des débouchés, mais d’une volonté affirmée de rétablir le taux de profit et la sacro-sainte compétitivité.
Le thème de la démondialisation renvoie à un enchaînement qui ne fonctionne plus : compétitivité, donc croissance, donc emplois. Mais si toute la croissance va à une petite frange de riches, à quoi bon rechercher une croissance plus élevée ? Le vrai enjeu est de répartir autrement la richesse, mais, là encore, est-ce que c’est la mondialisation qui force les actionnaires à se goinfrer quand tous les autres doivent se serrer la ceinture ?
Ce projet vise au fond à revenir au capitalisme des « Trente glorieuses » à travers un protectionnisme permettant une réindustrialisation fondée sur une croissance productiviste. C’est tourner le dos à la réelle alternative : la grande bifurcation vers un autre modèle combinant satisfaction des besoins sociaux et lutte contre le réchauffement climatique.
Notes
[1] « Situation et perspectives de l’économie mondiale 2011 ».www.un.org
[2] « Démondialisation ou altermondialisme ? », publié le 7 juin 2011 sur le blog de Jean-Marie Harribey, alternatives- economiques.fr/blogs/harribey
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire